Archives de catégorie : L’action civile de l’associé est irrecevable en ABS

L’irrecevabilité de l’action de l’associé, RANARISON Tsilavo, qui ne justifie pas d’un préjudice personnel et direct d’après lalettredesreseaux.com

RANARISON Tsilavo est un simple associé de la société malgache CONNECTIC mais il a réussi à obtenir à titre personnel 1.500.000.000 ariary, équivalent de 428.492 euros d’intérêts civils dans une supposée affaire d’abus des biens sociaux.

Le jugement du tribunal correctionnel d’Antananarivo du 15 décembre 2015 n’est pas motivé et l’arrêt de la cour d’appel d’Antananarivo a dénaturé une attestation pourtant claire de la société Cisco pour trouver une motivation.

L’associé, même majoritaire ou dirigeant, est irrecevable à agir à titre personnel contre le cocontractant de la société dès lors que le préjudice allégué trouve sa source dans un préjudice subi par la société, et que la réparation du préjudice subi par la société suffit à réparer par ricochet celui subi par l’associé ou le gérant.
https://www.lettredesreseaux.com/P-1363-485-A1-l-irrecevabilite-de-l-action-de-l-associe-qui-ne-justifie-pas-d-un-prejudice-personnel-et-direct.html

En droit, il est de jurisprudence constante que l’associé, même majoritaire ou dirigeant, est irrecevable à agir à titre personnel contre le cocontractant de la société dès lors que le préjudice allégué trouve sa source dans un préjudice subi par la société, et que la réparation du préjudice subi par la société suffit à réparer par ricochet celui subi par l’associé ou le gérant (Cass. com., 17 décembre 1991, n° 89-21607 ; Cass. com., 8 février 2011, n° 09-17034 ; Cass. com., 30 octobre 2012, n° 11-23034).

Dans ces conditions, l’associé ou le gérant est dénué de tout intérêt à agir au sens de l’article 31 du code de procédure civile. En application de cette jurisprudence constante, il a par exemple été décidé que :

  • l’associé-gérant d’une société en liquidation judiciaire est irrecevable à se prévaloir des conséquences financières et morales de la liquidation judiciaire pour tenter d’engager la responsabilité du cocontractant de la société, dès lors que « le préjudice ainsi allégué ne se distingue pas de celui subi par la personne morale du fait du prononcé de sa liquidation judiciaire » (Cass. com., 3 avril 2012, n° 11-11943) ;
  • les associés ne sont pas recevables à agir au titre du préjudice consistant en la perte de leur apport, dès lors que l’indemnisation de la société aurait suffi par ricochet à indemniser ce préjudice (Cass. civ. 2ème, 17 février 2011, n° 09-67906).

https://www.lettredesreseaux.com/P-1363-485-A1-l-irrecevabilite-de-l-action-de-l-associe-qui-ne-justifie-pas-d-un-prejudice-personnel-et-direct.html

La plainte de RANARISON Tsilavo NEXTHOPE, simple associé, est irrecevable et RANARISON Tsilavo NEXTHOPE ne peut pas se voir attribuer à titre personnel et individuel les 1.500.000.000 ariary d’intérêts civils d’après la loi à Madagascar

 

 

Article 6 – du code de procédure pénale malgache : l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
Article 2 – du code de procédure pénale français : l’action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.

 

Article 181. L’action individuelle est l’action en réparation du dommage subi par un tiers ou par un associé, lorsque celui-ci subit un dommage distinct du dommage que pourrait subir la société, du fait de la faute commise individuellement ou collectivement par les dirigeants sociaux dans l’exercice de leurs fonctions.
Cette action est intentée par celui qui subit le dommage

Le jugement du tribunal correctionnel d’Antananarivo du 15 décembre 2015 n’est pas motivé

 

SUR L’ACTION PUBLIQUE
Il résulte de preuve suffisante contre le prévenu A Solo-Niaina d’avoir commis le délit d’abus de confiance à lui reprocher :
Qu’il échet de le déclarer coupable.
Attendu cependant qu’étant délinquant primaire, le prévenu peut bénéficier des dispositions bienveillantes des articles 569 et suivants du code de procédure pénal
Jugement rendu par Mme RAMBELO Volatsinana qui a présidé le Tribunal correctionnel d’Antananarivo le 8 décembre 2015

Les preuves que la justice malgache a été manipulée par RANARISON Tsilavo pour faire condamner Solo, son patron, à 2 ans de prison avec sursis et 428.492 euros d’intérêts civils à régler à RANARISON Tsilavo, un simple associé, alors que c’est la société CONNECTIC qui est la victime directe et personnelle

RANARISON Tsilavo a perdu son référé auprès du Tribunal de Grande Instance d’Evry (France) pour diffamation pour interdire la publication sur différents sites de l’état de la Justice à Madagascar avec RANARISON tsilavo en toile de fond 

Les jugements rendus par les magistrats malgaches violant la loi au bénéfice de RANARISON Tsilavo

Les virements de 1.047.060 euros, objet de la plainte pour abus de biens sociaux de RANARISON Tsilavo, tous les ordres de virement signés par RANARISON Tsilavo, ont une contrepartie de 1.321.125 USD et 297.032 EUROS de matériels reçus par CONNECTIC d’après l’email du 25 avril 2012 de RANARISON Tsilavo lui-même

Les factures d’achat d’équipements CISCO auprès du revendeur WESTCON Africa, revendeur agréé CISCO, ainsi que les échanges de correspondance par la société française EMERGENT NETWORK d’après un schéma de travail tripartite (CONNECTIC – WESTCON AFRICA – EMERGENT NETWORK )établi par RANARISON tsilavo lui-même en mars 2009. RANARISON Tsilavo a lui même établi une facture d’IOS (logiciciel de CISCO) de 20.000 euros en mars 2009

Les douanes françaises ont constaté que la société EMERGENT NETWORK a envoyé à la société CONNECTIC pour 1.415.430 euros de matériels.

La victime directe et personnelle de l’abus des biens sociaux est la société CONNECTIC et non RANARISON Tsilavo, simple associé : L’article 6 du code de procédure pénale malgache ainsi que l’article 181 de loi sur les sociétés commerciales à Madagascar sont clairs.

L’arrêt de la Cour d’appel d’Antananarivo a violé l’article 2 du code de la concurrence et l’article 1598 du code civil malgache. Il a également traduit de travers une attestation pourtant claire de la société CISCO.

Le jugement du tribunal correctionnel du 15 décembre 2015 est sans motivation, se contentant de dire « Il résulte preuve suffisante contre le prévenu Solo d’avoir commis le délit d’abus de confiance à lui reprocher ». Que dire de plus ?

L’intérêt civil est dû au victime direct et personnel de l’infraction, la société CONNECTIC, et non à un simple associé : L’article 6 du code de procédure pénale malgache ainsi que l’article 181 de loi sur les sociétés commerciales à Madagascar sont clairs.

Le pouvoir souverain des juges du fond est applicable à condition que les décisions soient motivées et s’appuyent sur une base légale. Et comme le jugement du tribunal correctionnel est sans motivation tour en violant les lois malgaches tandis que l’arrêt de la Cour d’appel ne fait que violer la loi dans motivation.

 

D’après la Cour suprême de Madagascar les tribunaux malgaches peuvent recourir aux dispositions du Code civil français lorsque la loi malgache ne prévoit pas le cas

Attendu qu’il est de jurisprudence constante que les Cours et Tribunaux malagasy peuvent recourir aux dispositions du Code Civil Français lorsque la loi malgache ne prévoit pas le cas soumis à leur  examen ou que les textes du Code Civil soient plus explicites ;
Cour Suprême – Chambre Civile, Sociale et Commerciale – Décision n° 088 du 04 mai 2007 – Solution – Les nommés Imram TAYBALY,Moumtaz et Farida TAYBALY C/MAHOMED HASSAN MOZIZE Raza

Cour Suprême
Chambre Civile, Sociale et Commerciale
Décision n° 088 du 04 mai 2007
Numéro de rôle : 37 /03-CO             Solution :
____________________________________
Les nommés Imram TAYBALY,
Moumtaz et Farida TAYBALY
C/
MAHOMED HASSAN MOZIZE Raza
LA COUR,
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi de Imram TAYBALY, Moumtaz TAYBALY et Farida 085-CIV/02 du 28 août 2002, rendu par la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Toamasina dans le litige qui les oppose à MOHAMED Hassan Mozize Raza ;
Vu le mémoire en demande ;
Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation de la législation malagasy et plus particulièrement de l’Ordonnance n° 62.041 du 19 septembre 1962 relative au droit interne et au droit international privé et de la Loi n° 66.003 du 02 Juillet 1966 sur la Théorie Générale des obligations, excès de pouvoir, défaut, insuffisance, contradiction de motifs, manque de base légale en ce que, d’une part, l’arrêt a fait application du Code Civil Français, alors que, auparavant, le même arrêt a affirmé que les immeubles sis à Madagascar sont régis par la loi malgache, c’est-à-dire par la loi du lieu de la situation des immeubles, en ce que, d’autre part, l’arrêt a fondé sa décision sur les articles 2008 et 2009 du Code Civil Français, alors que les dispositions prévues par ces articles ne figurent pas dans la législation malagasy, la Cour d’Appel de Tamatave a donc ajouté à la loi ; en ce qu’enfin, pour conclure à la bonne foi aussi bien du vendeur que de l’acheteur, l’arrêt attaqué déclare :  » qu’il est indiscutable que le sieur Goulamabas TAYBALY n’a pas mis son mandataire au courant du décès de son épouse.. « , alors que, non seulement ledit sieur Goulamabas TAYBALY n’a pas été installé dans la procédure pour fournir ses explications également et surtout il n’existe au dossier aucun élément susceptible de servir de fondement à l’affirmation péremptoire de l’arrêt n° 85-CIV/02 ;
Vu les textes de loi visés au moyen :
Attendu qu’il est de jurisprudence constante que les Cours et Tribunaux malagasy peuvent recourir aux dispositions du Code Civil Français lorsque la loi malgache ne prévoit pas le cas soumis à leur  examen ou que les textes du Code Civil soient plus explicites ;
Attendu qu’en matière de représentation, la loi malgache n° 66-003 du 02 Juillet relative à la Théorie Générale des Obligations est moins détaillée que les dispositions des articles 2008 et 2009 du Code Civil Français ;
Attendu que l’article 2008 du Code Civil, après avoir posé la règle selon laquelle :  » Si le mandataire ignore la mort du mandant ou des autres causes qui fait cesser le mandat, ce qu’il a fait dans cette ignorance est valide « , ajoute :  » qu’il incombe toutefois au mandataire de rapporter la preuve de son ignorance  » ;
Attendu que, si l’appréciation de la bonne foi ou de l’ignorance relève du pouvoir souverain du juge du fond, il incombe au mandataire concerné de rapporter la preuve de son ignorance de la mort du mandant ou d’autres causes qui font cesser le mandat ;
Qu’en omettant d’installer les mandataires successifs dans le procès, aux fins de leur permettre de prouver leur ignorance dans la procédure d’homologation de la vente, la Cour d’Appel de Toamasina a mis la Formation de Contrôle de la Cour Suprême dans l’impossibilité d’exercer son contrôle ;
Que, par ailleurs, en affirmant :  » qu’il est indiscutable que Goulamabas TAYBALY n’a pas mis son mandataire au courant de la mort de son épouse « , la Cour d’Appel n’a pas suffisamment motivé sa décision ;
Que l’arrêt n° 85-CIV/02 du 02 août 2002 de la Cour d’Appel de Toamasina encourt la  cassation ;
PAR CES MOTIFS,
CASSE ET ANNULE l’arrêt n° 85-CIV/02 du 02 août 2002 de la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Toamasina ;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction mais autrement composée ;
Ordonne la restitution de l’amende de cassation ;
Condamne le défendeur aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Formation de Contrôle, Chambre Civile, Sociale et Commerciale en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.
Où étaient présents :
Monsieur et Madame :
– RAKOTOSON Francine, Conseiller le plus gradé, Président ;
– RASANDRATANA Eliane, Conseiller-Rapporteur ;
– RAZATOVO-RAHARIJAONA Jonah, RANDRIAMAMPIANINA Elise, RANDRIANANTENAINA Modeste, Conseillers, tous membres ;
– TSIMANDRATRA RAVELOMANANTSOA Andriakamelo, Avocat Général ;
– RAZAIARIMALALA Norosoa, Greffier ;
La minute du présent arrêt a été signée par le Président, le Rapporteur et le Greffier.

 

 

Action civile et dommage personnel découlant directement de l’infraction par François Fourment, professeur à l’université François-Rabelais de Tours

L’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux, mais seulement à ceux, qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction.
Article 2 du code de procédure pénale français
Article 6 du code procédure pénale malgache

Cass. crim., 21 sept. 2016, no 16-82082, ECLI:FR:CCASS:2016:CR04397, Proc. gén. CA Reims, F-PB (cassation partielle sans renvoi CA Reims, ch. corr., 15 mars 2016), M. Guérin, prés., Mme Caron, cons. rapp., M. Wallon, av. gén. : Dalloz actualité, 11 oct. 2016, obs. Priou-Alibert L.

Cass. crim., 22 nov. 2016, no 15-86766, ECLI:FR:CCASS:2016:CR05267, Sté des eaux thermales de Capès Dolé, F-PB (cassation partielle sans renvoi CA Basse-Terre, ch. corr., 13 oct. 2015), M. Guérin, prés., Mme Farrenq-Nési, cons. rapp., Mme Caby, av. gén. ; SCP Boullez, SCP Waquet, Farge et Hazan, av.

Cass. crim., 29 nov. 2016, no 15-86409, ECLI:FR:CCASS:2016:CR05369, Martine X, FS-PB (cassation CA Paris, ch. instr., 6e sect., 15 oct. 2015), M. Guérin, prés., M. Ascensi, cons. rapp., M. Cuny, av. gén. ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, av.

Aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction appartient à tous ceux qui ont « personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction », dernière condition sur laquelle la chambre criminelle de la Cour de cassation insiste, soulignant parfois que le dommage doit prendre « directement sa source dans l’infraction poursuivie » (par ex., Cass. crim., 14 janv. 1991, n° 90-81133 : Bull. crim., n° 22).

Les trois arrêts de cassation de la chambre criminelle rendus en septembre et novembre 2016 offrent de belles illustrations de ces conditions de recevabilité de l’action civile :

– dans son arrêt du 21 septembre 2016 (n° 16-82082), la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence relative aux victimes dites indignes : « L’auteur d’une infraction n’est pas recevable à se constituer partie civile à l’encontre de personnes qui l’auraient incité à commettre celle-ci, en alléguant le préjudice que lui causerait une éventuelle condamnation » (v., déjà : Cass. crim., 28 oct. 1997, n° 96-85880 : Bull. crim., n° 353 ; D. 1998, p. 268, note Mayer D. et Chassaing J.-F. ; RSC 1998, p. 346, obs. Dintilhac J.-P.). En l’espèce, la chambre criminelle casse donc l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé recevable l’action civile d’une prévenue du chef de fausse déclaration à une personne publique ou à un organisme chargé d’une mission de service public en vue d’obtenir une allocation, une prestation ou un avantage indu – ici le revenu de solidarité active –, introduite du même chef de qualification contre la personne qui l’aurait incitée à commettre cette infraction pour qu’elle soit condamnée à l’indemniser de son prétendu préjudice constitué par les sommes qu’elle devrait rembourser à la caisse d’allocations familiales et au conseil général ;

– dans son arrêt du 22 novembre 2016 (n° 15-86766), la chambre criminelle retient que l’infraction de tromperie ne peut causer de préjudice direct qu’aux consommateurs pour la protection desquels elle est édictée. En l’espèce, elle casse donc l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé recevable l’action civile d’un concurrent d’une société d’eaux thermales dirigée contre une autre société poursuivie pour tromperie sur l’eau de source qu’elle commercialisait. Ainsi que le soutenait le pourvoi, l’infraction de tromperie suppose un contrat entre le professionnel et le consommateur, de sorte que ce délit n’a pour victime directe que le cocontractant, lien et qualité que ne présente pas un concurrent ;

– dans son arrêt du 29 novembre 2016 (n° 15-86409), la chambre criminelle juge que « le recel d’un bien, s’agissant d’une infraction continue, est de nature à causer un préjudice de jouissance personnel et direct aux héritiers du propriétaire auquel ce bien a été soustrait de façon délictueuse, dès lors que ce délit se poursuit à un moment où ils ont acquis cette qualité ». En l’espèce, elle casse donc l’arrêt d’une chambre de l’instruction ayant jugé irrecevable la plainte avec constitution de partie civile des héritiers du propriétaire (décédé) des œuvres d’art et d’archives qui lui avaient été soustraites.

Ces deux derniers arrêts des 22 et 29 novembre 2016 témoignent de ce que le caractère direct du dommage dépend de l’analyse devant être faite de la qualification précise de droit pénal spécial : le lien contractuel entre le professionnel et le consommateur pour la tromperie, le caractère continu du délit pour le recel.

Définition de l’action individuelle de RANARISON Tsilavo pour bénéficier des intérêts civils d’après les Editions Francis Lefebvre

 

En résumé :

  1. 14370 – Tout associé ou actionnaire peut engager une action en réparation du préjudice qu’il a subi personnellement du fait d’un dirigeant de la société.
  2. 14371 – Cette action (dite action individuelle) n’est recevable que si le préjudice subi par l’associé ou l’actionnaire est distinct de celui éventuellement subi par la société
  3. 14373 – Contrairement à l’action sociale qui a pour objet la réparation du préjudice subi par la société et qui peut être exercée par les associés (voir DIRIG-VI-14245 s.), l’action individuelle a pour objet la réparation d’un préjudice personnel et les dommages-intérêts alloués à l’issue d’une telle action reviennent intégralement aux associés et non à la société.

C’est la société qui est la principale victime d’un supposé abus de biens sociaux et non l’associé RANARISON Tsilavo. Les dommages intérêts reviennent à la société et non à RANARISON Tsilavo, simple associé plaignant.

Les magistrats malgaches qui ont géré géré cette affaire ont tous violé la loi.

14370 – Tout associé ou actionnaire peut engager une action en réparation du préjudice qu’il a subi personnellement du fait d’un dirigeant de la société.

  1. civ. art. 1843-5, al. 1 pour les SNC et SCS,C. com. art. L 223-22, al. 3 pour les SARL etC. com. art. L 225-252 pour les sociétés par actions.

14371 – Cette action (dite action individuelle) n’est recevable que si le préjudice subi par l’associé ou l’actionnaire est distinct de celui éventuellement subi par la société (notamment, Cass. com. 1-4-1997, analysé DIRIG-VI-14389 ; Cass. com. 19-4-2005, analysé DIRIG-VI-14394).

14372 – La mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l’égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu’ils ont personnellement subi n’est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d’une particulière gravité et incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales.

Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 (n° 294 FS-PB), Sté EPF Partners c/ Abela :  RJDA 6/10 n° 637.

NdlrPour une décision affirmant que les associés peuvent agir en responsabilité, en tant que tiers, en cas de faute séparable des fonctions, voir CA Versailles 17-1-2002, 13e ch., SA Lehning Laboratoires C/ Berretti : RJDA 4/02 n° 398.

14373 – Contrairement à l’action sociale qui a pour objet la réparation du préjudice subi par la société et qui peut être exercée par les associés (voir DIRIG-VI-14245 s.), l’action individuelle a pour objet la réparation d’un préjudice personnel et les dommages-intérêts alloués à l’issue d’une telle action reviennent intégralement aux associés et non à la société.

14374 – Un associé-gérant d’une SARL n’est pas fondé à demander réparation du préjudice personnel qu’il a subi en raison des fautes de gestion de l’ancien gérant, dès lors qu’il a lui même concouru à ces agissements fautifs. En effet, les irrégularités comptables reprochées au gérant étaient connues de l’associé qui ne les a pas fait cesser alors qu’il le pouvait et qui en a tiré profit.

Cass. com. 7-12-1982 81-11.504, Renoir c/ Vidal : Bull. civ. IV n° 403.

14375 – Aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. L’article 245 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 225-252), qui rappelle brièvement ce principe, ne soumet pas la recevabilité de l’action personnelle des actionnaires à la mise en cause de la société, cette mise en cause n’étant exigée par l’article 201 du décret du 23 mars 1967 (C. com. art. R 225-170) que dans la mesure où il doit être statué sur l’action sociale.

CA Douai 31-1-1975, 4e ch., Maillard c/ Maillard.

NdlrSur les dispositions de l’article R 225-170 du Code de commerce, voir DIRIG-VI-14300 s.

14377 – Un actionnaire est irrecevable à critiquer par une action individuelle les délibérations ou actes intervenus avant son entrée dans la société (T. com. Paris 3-12-1975, analysé DIRIG-VI-14295).

14378 – Nous présentons, dans les développements ci-dessous, les décisions classées dans l’ordre chronologique, ayant apprécié la recevabilité de l’action en réparation du préjudice personnel et, notamment, l’existence ou non de ce préjudice ( DIRIG-VI-14385 s.), puis nous examinerons dans quelles conditions des actionnaires peuvent désigner un mandataire chargé d’agir en leur nom ( DIRIG-VI-14430 s.).

  1. Appréciation du préjudice personnel

14385 – Des actionnaires, qui ont engagé une action tendant à faire prononcer la nullité des décisions prises par des assemblées générales, au motif que le vote de ces assemblées a été obtenu par la production de comptes volontairement erronés qui, en faisant disparaître l’existence de tous bénéfices ont, par là même, empêché la distribution de dividendes, et qui ont ainsi invoqué les agissements dolosifs des administrateurs et sollicité l’allocation de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice en résultant pour chacun d’eux, ont, à côté de l’action sociale, exercé, comme ils en avaient le droit, une action présentant le caractère d’une action individuelle.

Cass. req. 29-10-1934, Sté des aciéries du Forez c/ Girard.

NdlrRendue sur le fondement de la loi du 24 juillet 1867, cette décision est à notre avis transposable à loi du 24 juillet 1966 (désormais reprise dans le Code de commerce).

14386 – Les deux gérants d’une SARL doivent être condamnés à verser des dommages-intérêts à un associé qui s’est plaint de l’insuffisance des inventaires et des comptes, des augmentations irrégulières des rémunérations des dirigeants et de la pratique de commissions occultes, faisant ainsi ressortir le caractère abusif des actes incriminés, ces abus ayant, de plus, imposé à cet associé des frais, peines et soins.

Cass. com. 14-12-1960, Sté Cornu c/ Cornu : Bull. civ. III n° 415.

NdlrRendue sur le fondement de la loi du 24 juillet 1867, cette décision est à notre avis transposable à loi du 24 juillet 1966 (désormais reprise dans le Code de commerce).

14387 – Une SA a subi des pertes importantes et procédé à une réduction de capital suivie d’une augmentation souscrite par un nouvel actionnaire qui s’est ainsi assuré le contrôle de la société, ce qui a entraîné une diminution sensible de la participation des autres actionnaires. Un de ces derniers a intenté une action individuelle en dommages-intérêts, fondée sur l’article 244 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 225-251), à l’encontre du président de la SA à qui il reprochait des fautes de gestion ayant entraîné les pertes sociales et la prise de contrôle par un tiers.

Cette demande doit être rejetée car l’actionnaire ne rapporte pas la preuve que les fautes qu’il impute au président lui aient fait subir un préjudice personnel. En effet :

–  les parties s’accordent pour reconnaître qu’à la suite de la prise de contrôle par le nouvel actionnaire les résultats financiers de la SA sont devenus bénéficiaires, cette société n’a donc subi aucun préjudice du fait de la gestion du président, même si celle-ci a été incertaine au cours des premiers mois d’existence en raison de l’inexpérience des dirigeants ;

–  l’actionnaire, engagé par le pacte social à subir les pertes et à profiter des gains de la société, ne peut prétendre à bénéficier en toutes circonstances du maintien de la valeur du capital qu’il a souscrit ;

–  la valeur des actions est par nature appelée à varier ;

–  la modification du capital social est la conséquence de la décision d’une assemblée générale, à laquelle l’actionnaire a participé, qui s’est révélée bénéfique puisque la société a pu poursuivre son activité et que ses résultats sont devenus rapidement bénéficiaires ;

–  l’actionnaire avait accès aux documents sociaux mais il n’apparaît pas qu’il ait alerté les dirigeants sur les erreurs qu’il dénonce comme étant des fautes grossières.

CA Dijon 23-10-1987, 1e ch. 1e sect., Bich c/ Coquerel et sur pourvoi, Cass. com. 18-7-1989 n° 1082 D.

14388 – Dans le cadre de l’article 52 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 223-22), les associés d’une SARL disposent de deux sortes d’actions à l’égard des dirigeants sociaux qui ont commis des fautes de gestion : l’une tendant à la réparation de l’entier préjudice subi par la société, constituant l’action sociale, et l’autre tendant à la réparation du préjudice que ces associés ont subi personnellement.

Dans le cas où les constatations faites par un expert judiciaire avaient permis de mettre en évidence une faute caractérisée du gérant d’une SARL (absence de convocation des assemblées et de communication des pièces comptables ; retard dans l’immatriculation de la société ; nombreuses erreurs et omissions comptables), l’associé de la société, qui a personnellement payé les frais de la nomination de cet expert judiciaire – frais qui constituent pour lui des pertes et lui occasionnent un préjudice propre -, peut en poursuivre le recouvrement contre le responsable réel, à savoir le gérant, peu important l’utilité de la nomination de l’expert pour la société.

CA Paris 10-7-1991, 5e ch. A, Mandin c/ El Grably : RJDA 12/91 n° 1035.

14389 – C’est à tort qu’une cour d’appel accueille la demande en paiement de dommages-intérêts formée par les actionnaires d’une SA à l’encontre des anciens dirigeants de celle-ci pour les fautes commises dans leur gestion, au motif que ces fautes avaient contribué à la dépréciation de la société ce qui avait entraîné dans les comptes d’une des sociétés actionnaires une provision pour dépréciation de ses titres de 18 000 000 F (environ 2,8 millions d’euros), alors que le préjudice subi par les actionnaires n’était que le corollaire du dommage causé à la société et n’avait aucun caractère personnel.

Cass. com. 1-4-1997 n° 879 D, Sté Liaud et compagnie c/ Compagnie Financière de CIC et de l’Union Européenne :  RJDA 5/97 n° 659.

14390 – Des actionnaires, qui n’allèguent aucun préjudice personnel particulier distinct de celui subi par tous les actionnaires, sont individuellement irrecevables à rechercher la responsabilité personnelle des dirigeants sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, alors que leur préjudice, constitué par la dévalorisation des actions, se confond avec celui de l’action sociale fondée sur l’article 245 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 225-252).

CA Paris 12-5-2000, 3e ch. B, SARL Manufacture de Matériaux Modernes c/ Brunengo.

14391 – Dans un cas où un actionnaire avait demandé qu’un administrateur soit condamné à lui verser une somme représentant la perte de valeur de ses actions du fait des fautes que ce dernier avait commises dans la gestion sociale et qui avaient entraîné la mise en redressement judiciaire de la société ainsi que la réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital, cette demande doit être rejetée dès lors que le préjudice invoqué par l’actionnaire, qui n’était que le corollaire de celui causé à la société, n’avait aucun caractère personnel.

Cass. com. 15-1-2002 n° 66 D, Alberti c/ Rebeyrol :  RJDA 6/02 n° 650.

14392 – L’associé et cogérant d’une société civile qu’il avait constituée avec son épouse, pour l’acquisition d’un appartement dans lequel ils exerçaient leur activité professionnelle commune, avait souhaité vendre l’actif de la société après le divorce du couple.

Invoquant l’article 1843-5 du Code civil, il reprochait, en sa qualité d’associé, à son ex-épouse, cogérante, d’avoir refusé une proposition d’achat du bien immobilier au prix de 1 100 000 F (environ 168 000 €), ce dernier ayant été finalement adjugé sur surenchère à 851 000 F (environ 130 000 €) trois ans plus tard, et d’avoir ainsi contribué à l’aggravation du passif de la société et partant, de ses propres pertes financières.

L’action engagée par l’associé en réparation de son préjudice financier correspondant à la perte qu’il subit proportionnellement au nombre de parts qu’il détient dans la société n’est pas une action personnelle distincte de l’action sociale dès lors qu’elle tend en premier lieu à la réparation du préjudice subi par la société et, par ricochet, à la réparation de son préjudice personnel qui n’est pas distinct du préjudice social mais proportionnel au nombre de parts qu’il détient dans la société.

CA Aix-en-Provence 7-7-2004 n° 04-537, 1e ch. B, Barnier c/ Commare :  RJDA 12/05 n° 1351.

14393 – L’actionnaire d’une société ne peut agir en justice à l’encontre d’un administrateur, en réparation d’un préjudice personnel, que s’il a subi un préjudice distinct de celui de la société.

Par suite, doit être cassé l’arrêt qui, pour retenir le principe d’un préjudice réparable subi par les associés personnellement, se borne à affirmer que les actionnaires d’une société sont en droit d’obtenir réparation du préjudice qu’ils ont subi personnellement du fait de la vente par l’un des administrateurs d’un bien de la société à un tiers, alors que l’amoindrissement du patrimoine ne peut pas constituer le préjudice subi personnellement par l’associé, distinct du préjudice social.

Cass. com. 21-9-2004 n° 1241 F-D, Commune du Moule c/ Genies :  RJDA 12/04 n° 1326.

14394 – L’action individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l’encontre des dirigeants de la société ne peut tendre qu’à la réparation d’un préjudice personnel distinct de celui causé à la personne morale.

Par suite, dans un cas où le gérant associé d’une SARL avait volontairement organisé la ruine de la société du fait de la mésentente qui s’était instaurée avec son coassocié et dans le dessein de reprendre seul l’activité sociale, et où les fautes ainsi commises avaient entraîné, avec la ruine de l’entreprise, la perte quasi-totale de la valeur des parts sociales, il y a lieu de rejeter l’action individuelle engagée par le coassocié car, quels qu’aient été les mobiles les ayant inspirées, les fautes commises par le gérant n’avaient pas causé à son coassocié un préjudice personnel distinct du préjudice social.

Cass. com. 19-4-2005 n° 641 F-D, Ges c/ Ges :  RJDA 7/05 n° 813.

14395 – Les administrateurs d’une société anonyme ont intentionnellement induit en erreur les actionnaires minoritaires sur les causes et les conditions de l’opération de réduction de capital par voie de rachat d’actions qui leur a été proposée et ont ainsi commis des fautes qui engagent leur responsabilité envers eux. En effet, la réduction de capital, enfermée dans une limite correspondant au montant du capital détenu par les actionnaires minoritaires, était en fait réservée à ceux-ci ; l’offre des titres a été faite pour une valeur notoirement inférieure à leur valeur réelle ; les administrateurs, actionnaires majoritaires de la société, avaient pleinement conscience de cette valeur dont les actionnaires minoritaires n’avaient pas été informés et l’opération a été faussement présentée comme motivée par l’existence d’excédents de trésorerie alors que sa cause réelle résidait dans l’élimination des minoritaires.

Cass. com. 8-11-2005 n° 1380 F-D, Bourguignon c/ Buffet :  RJDA 3/06 n° 271.

14396 – Ne tire pas les conséquences de ses constatations la cour d’appel qui, pour accueillir l’action en responsabilité engagée par un associé contre l’ancien gérant de la société, retient que l’associé n’exerce pas l’action sociale mais une action personnelle en réparation de son propre préjudice et que l’ancien gérant a commis des fautes dans la gestion de la société engageant sa responsabilité à l’égard de cet associé minoritaire, alors qu’elle a relevé que lesdites fautes ont conduit à une réduction de l’activité de la société au profit d’une autre société en créant une confusion dans l’esprit de la clientèle entre les deux sociétés, permettant à la seconde société d’absorber l’activité voire les actifs de la première, ce dont il résulte que le préjudice subi par l’associé, n’étant que le corollaire du dommage causé à la société, n’a aucun caractère personnel.

Cass. com. 4-7-2006 n° 879 F-D, Koenig c/ Schneider :  RJDA 11/06 n° 1141.

14397 – Dans un cas où l’associé d’une société civile d’exploitation agricole avait assigné le gérant de celle-ci en responsabilité en raison du préjudice subi du fait de l’acceptation sans indemnité de la résiliation d’un bail des terres agricoles consenti à la société et de la perte du bénéfice auquel il pouvait prétendre si les terres étaient restées dans l’exploitation, et partant, de la valeur des parts sociales, il y a lieu de rejeter sa demande dès lors que le préjudice résultant de la résiliation du bail sans indemnité, n’étant que le corollaire de celui subi par la société, n’avait aucun caractère personnel.

Cass. com. 21-10-2008 n° 07-17.832 (n° 1042 F-D), Cheron c/ Lefort :  RJDA 6/09 n° 543.

14398 – Un actionnaire n’avait pas participé à une augmentation du capital de la société qui, selon lui, aurait été inutile si le président du conseil d’administration n’avait pas volontairement sous-évalué un élément d’actif d’une filiale à l’occasion de sa cession. Il en résulte que l’augmentation de capital critiquée était la conséquence d’un amoindrissement de l’actif social et que la dilution de la participation de l’actionnaire après l’augmentation ne lui avait pas été imposée, de sorte que le préjudice causé par cette dilution ne revêtait pas un caractère personnel. L’actionnaire ne pouvait donc pas en demander réparation au président.

Cass. com. 7-7-2009 n° 08-19.512 (n° 686 F-D), Joffres c/ Bonneau :  RJDA 10/09 n° 847.

14399 – Dans un cas où les associés d’une société civile immobilière, propriétaire de locaux donnés en location, avaient assigné le gérant de la société auquel ils reprochaient des fautes de gestion consistant à ne pas avoir encaissé ni revalorisé tous les loyers revenant à la société, en indemnisation de leur préjudice résultant d’une moindre distribution de bénéfices, encourt la cassation l’arrêt qui accueille cette demande alors que le préjudice allégué ne se distingue pas de celui qui atteint la société tout entière dont il n’est que le corollaire.

Cass. 3e civ. 22-9-2009 n° 08-18.483 (n° 1088 F-D), Leroux c/ Vincent :  RJDA 1/10 n° 55.

14400 – Le fait que les actionnaires de la société aient été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d’une rétention d’informations et d’une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, constitue un préjudice personnel.

Celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d’offre au public au vu d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d’investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé. Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui retient que le préjudice des actionnaires de la société ne s’analyse pas en la perte d’une chance d’investir ailleurs leurs économies dès lors qu’il est, en réalité, au minimum de l’investissement réalisé ensuite des informations tronquées portées à leur connaissance.

Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 (n° 294 FS-PB), Sté EPF Partners c/ Abela :  RJDA 6/10 n° 637.

14401 – L’usufruitier de parts sociales d’une société civile immobilière (SCI) avait assigné le gérant de celle-ci en responsabilité en raison du préjudice subi résultant de la décision de confier la gestion de l’immeuble détenu par la SCI à une autre société pour un montant d’un peu plus de 50 000 € d’honoraires sur quinze ans.

Encourt la cassation l’arrêt qui, pour accueillir cette demande, retient les motifs suivants, insuffisants à caractériser un préjudice personnel de l’usufruitier, distinct de celui subi par la SCI :

–   la gestion d’un immeuble en location n’entrait aucunement dans l’objet social de la société à laquelle elle avait été confiée, celle-ci exerçant l’activité de négoce de vins et spiritueux et ne possédant aucune qualification pour assurer une gestion locative ;

–  la nécessité de recourir à un tiers pour assurer la gestion locative de l’immeuble n’était pas justifiée par le gérant de la SCI ;

–   les honoraires dont l’affectation avait été votée uniquement par le gérant et son épouse, associés majoritaires de la SCI, n’avaient bénéficié qu’à eux-mêmes, puisqu’ils étaient respectivement gérant et associée de la société à laquelle la gestion de l’immeuble avait été confiée ;

–  la décision litigieuse avait eu pour effet de priver l’usufruitier, dans la répartition des bénéfices, d’une somme qui n’avait profité qu’aux autres associés et lui avait causé un préjudice personnel qui ne se confondait pas avec la perte de bénéfices de la SCI, dans la mesure où il soutenait avoir été le seul privé de ces revenus.

Cass. 3e civ. 16-11-2011 n° 10-19.538 (n° 1352 FS-D), Cassin c/ Petreschi :  RJDA 2/12 n° 163.

14402 – La perte de valeur des parts sociales consécutive à l’amoindrissement du patrimoine social ne constitue pas pour les associés un préjudice personnel réparable.

Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui retient que du fait de la gestion du dirigeant de la société et de la confusion opérée par lui entre cette dernière et son associé majoritaire, une société ayant le même objet statutaire, la première n’a plus enregistré d’affaire nouvelle et la totalité du résultat a été absorbée par des commissions et ajoute que la valeur des parts sociales ne pouvait qu’être réduite à peu de choses dès lors que le dirigeant a cessé l’activité de la société et qu’il a appréhendé personnellement la totalité de son chiffre d’affaires issu de l’activité antérieure pour en déduire qu’un associé avait subi un préjudice personnel et que la perte subie était équivalente à sa part dans les droits sociaux.

Cass. com. 12-6-2012 n° 11-14.724 (n° 663 F-D), Vineski c/ Candeias :  RJDA 10/12 n° 859.

14403 – Subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été incités soit à souscrire soit à conserver des titres par les manoeuvres de leurs dirigeants ayant consisté à donner une image tronquée de la situation de la société. Cette dernière ne subit elle-même en cette hypothèse, contrairement à ses actionnaires, aucun préjudice propre lié à une perte de son patrimoine. Dans ces conditions, sous réserve de la prescription qui commande la recevabilité de l’action, le bien-fondé de l’action d’un actionnaire sera reconnu sur le fondement des dispositions de l’article L 225-251 du Code de commerce si celui-ci établit à la fois l’existence de manoeuvres des dirigeants destinées à donner une image tronquée de la situation de l’entreprise et le préjudice qui en est résulté pour lui.

La diffusion d’informations tronquées sur la situation exacte d’une société a pour but d’inciter les tiers à acquérir ou conserver les titres de cette dernière de sorte qu’il ne peut pas être utilement soutenu qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la faute commise et le préjudice des actionnaires constitué par la perte d’une chance d’investir leurs capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé. La perte de chance doit s’apprécier en fonction de l’importance qu’ont pu avoir les informations inexactes portées à la connaissance des tiers sur leur décision d’acquérir ou de conserver les titres de la société concernée. En l’espèce, l’actionnaire a acquis les titres de la société après que celle-ci eut révélé qu’elle n’était pas en mesure de déterminer par affaire en cours la formation du résultat et qu’une provision correspondant aux écarts constatés de 13,8 M € apparaissait nécessaire et à une date où le titre de la société était au plus bas. Ces circonstances établissent que, malgré les informations récentes portées à la connaissance du public sur la tension de la trésorerie, l’actionnaire conservait confiance dans l’avenir de la société dont les dirigeants persistaient à donner l’image d’une société en pleine croissance et dont les difficultés actuelles n’étaient que passagères. Si l’actionnaire a manifestement cherché à réaliser une bonne opération, comme tout investisseur en bourse, ce fait est sans conséquence sur l’existence et l’ampleur de son préjudice qu’il convient de réparer à hauteur de la somme de 70 000 €, au paiement de laquelle les administrateurs seront condamnés in solidum.

CA Limoges 17-1-2013 n° 11/01356, ch. civ., T. c/ G. :  RJDA 8-9/13 n° 727.

14404 – Le gérant d’une société dont l’objet social était l’acquisition d’un terrain dont il était propriétaire avait ultérieurement cédé son bien à un tiers.

Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui retient que la vente par le gérant de son terrain à un tiers, en tant qu’elle avait eu pour effet de vider de tout objet la société, avait constitué une faute, ce dont il résultait qu’un associé de la société était en droit de réclamer réparation du préjudice que cette faute lui avait personnellement causé.

Cass. com. 8-4-2014 n° 13-13.439 (n° 371 F-D), Bercin c/ Depond :  RJDA 10/14 n° 779.

NdlrLe gérant a été condamné à payer à l’associé la somme de 40 000 €. Les juges du fond ont en effet relevé qu’en application des statuts, l’associé aurait dû percevoir la somme de 30 000 € au titre du transfert du bénéfice d’un permis de construire qu’il avait obtenu. En outre, l’associé avait perdu une chance de réaliser des bénéfices sur l’opération de promotion immobilière faisant partie de l’objet social.

14405 – A commis une faute de gestion le dirigeant d’une société qui a mentionné dans les registres des mouvements de titres de la société de faux actes de cession et en a tenu compte dans l’administration et la gestion de celle-ci. Bien que n’ayant pas été retenu comme auteur des faux, ces derniers n’ont toutefois pas pu échapper au dirigeant qui a d’ailleurs été condamné du chef de leur usage.

Un associé invoque valablement, comme conséquence préjudiciable de la cession frauduleuse de ses titres, la perte des dividendes dont il a été évincé de la distribution. Par suite, le dirigeant sera condamné à payer 48 391,84 € à l’associé à titre de dommages-intérêts, somme correspondant aux dividendes attachés aux titres faussement cédés.

CA Paris 10-6-2014 n° 13/02604, ch. 5-8, F. c/ H. :  RJDA 11/14 n° 837.

14405 – Préjudice personnel subi par un associé – Fait pour un associé de recevoir à son domicile des courriers destinés à la société alors qu’il n’est plus dirigeant de la société

CA Montpellier 31 mars 2015 n° 13/05654, 2e ch. BRDA 11/15 Inf. 3

  1. Exercice de l’action

GROUPEMENT D’ACTIONNAIRES

14430 – Les actionnaires de sociétés par actions qui, sur le fondement des dispositions de l’article L 225-251 et L 225-56, entendent demander aux administrateurs, au directeur général ou aux membres du directoire la réparation du préjudice qu’ils ont subi personnellement en raison des mêmes faits peuvent donner à un ou plusieurs d’entre eux le mandat d’agir en leur nom devant les juridictions civiles, sous les conditions suivantes :

  1. Le mandat doit être écrit et mentionner expressément qu’il donne au(x) mandataire(s) le pouvoir d’accomplir au nom du mandant tous les actes de procédure ; il précise, s’il y a lieu, qu’il emporte le pouvoir d’exercer les voies de recours ;
  2. La demande en justice doit indiquer les nom, prénoms et adresse de chacun des mandants ainsi que le nombre des actions qu’ils détiennent. Elle précise le montant de la réparation réclamée par chacun d’eux.
  3. com. art. R 225-167.

14431 – Les actes de procédure et de notification sont réputés valablement accomplis à l’égard du ou des seuls mandataires.

  1. com. art. R 225-168.

14432 – L’article R 225-167 n’autorise expressément les actionnaires à se grouper pour exercer l’action en réparation de leur préjudice individuel que si cette action est dirigée contre les administrateurs, le directeur général ou les membres du directoire. Cette possibilité est également ouverte pour les actions dirigées contre les autres dirigeants qui sont responsables dans les mêmes conditions que les administrateurs (gérant de société en commandite par actions : art. L 226-1, al. 2 ; dirigeants de SAS : art. L 227-8).

En revanche, elle est exclue pour les actions dirigées contre des membres du conseil de surveillance ou des directeurs généraux délégués non administrateurs.

EXTINCTION DE L’ACTION

14435 – Le quitus donné aux gérants par une assemblée générale ne fait pas obstacle à l’action individuelle que les porteurs de parts exercent contre ces gérants pour obtenir réparation d’un préjudice qui leur est personnel.

Cass. 3e civ. 4-11-1976, Susini c/ Andrieu : Bull. civ. III n° 381.

NdlrRendue à propos d’une société civile, cette décision est transposable aux sociétés commerciales.

14436 – Sur la prescription de l’action, voir DIRIG-VI-14464 s.

3.Action fondée sur la faute détachable

  1. Dirigeants visés par le Code de commerce

1445 – Les articles L 223-22 et L 225-251 prévoient que les dirigeants qu’ils visent, expressémentou sur renvoi d’un autre texte (gérant de SARL, administrateurs, directeur général et membres du directoire de SA, gérant de société en commandite par actions, dirigeants de SAS : DIRIG-VI-14218 s.), sont responsables envers les tiers, individuellement ou solidairement, des fautes qu’ils commettent.

L’action engagée par un tiers contre ces dirigeants doit donc être fondée sur ces textes. Néanmoins, la question se pose de savoir si, au lieu d’engager l’action en invoquant ces dispositions, le tiers peut l’exercer sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle (C. civ. art. 1382). Aucune décision n’apporte de réponse de principe à cette question ; jusqu’à présent, lorsque les pourvois qui lui sont soumis font référence à l’article 1382 du Code civil, la Cour de cassation se borne à remplacer ce texte dans ses visas par les dispositions spéciales du droit des sociétés commerciales (notamment, Cass. com. 27-1-1998 n° 313 :  RJDA 5/98 n° 610 ; Cass. com. 28-4-1998 n° 961 :  RJDA 7/98 n° 874).

A notre avis, seules ces dernières peuvent être invoquées. En effet, la jurisprudence introduisant la notion de faute séparable a pour objet de soumettre la responsabilité civile des dirigeants visés par l’article L 223-22 ou L 225-251 à un régime homogène : ainsi, que ce soit à l’égard de la société ou à l’égard des tiers, cette action est soumise au même délai de prescription de trois ans ( DIRIG-VI-14391). Si l’action en responsabilité engagée par les tiers avait pour fondement l’article 1382 du Code civil, cette action se prescrirait par cinq ans ; laisser à la victime la liberté de choisir entre les deux actions lui permettrait d’agir sur le fondement du droit commun lorsque l’action est prescrite sur le fondement du Code de commerce, ce qui ne serait pas cohérent.

  1. Autres dirigeants

14452 – En l’absence de texte spécial, l’action en responsabilité des tiers contre les dirigeants non visés par le Code de commerce (gérant de société en nom collectif, de société en commandite simple et directeurs généraux délégués non administrateurs de SA) pour faute séparable est admise, à notre avis, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle (C. civ. art. 1382).

4.Prescription de l’action en responsabilité

14455 – L’action en responsabilité contre le gérant de SARL ou les dirigeants de SA, SCA et SAS, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, si celui-ci a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait dommageable constitue une infraction qualifiée de crime, l’action ne se prescrit que par dix ans.

  1. com. art. L 223-23 pour les SARL et art. L 225-254 pour les SA classiques, sur renvoi de l’article L 225-256 et L 225-257, al. 2 pour les SA à directoire, sur renvoi de l’article L 226-1, al. 2, pour les SCA et, sur renvoi de l’article L 227-8, pour les SAS.

NdlrLa prescription triennale a été instituée par la loi du 24 juillet 1966. La Cour de cassation a précisé comme suit ses modalités d’entrée en vigueur.

  1. La prescription triennale ne peut pas s’appliquer à une action engagée avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 1966. Par suite, l’ancien gérant d’une SARL assigné par celle-ci le 26 octobre 1962 en paiement d’une somme représentant le solde débiteur du compte courant qui lui avait été ouvert alors qu’il exerçait ses fonctions ne peut pas se voir appliquer la prescription triennale. Le fait qu’une procédure pénale ait suivi cette première assignation et que la société ait, par assignation du 19 février 1970, repris devant le juge civil sa demande en paiement du solde débiteur ne change pas la date à laquelle l’action a été intentée initialement (Cass. com. 3-10-1973, Delamette c/ Sté Bois africains contreplaqués : Bull. civ. IV n° 268).
  2. L’action en responsabilité dirigée par un associé contre les héritiers d’un ancien gérant de SARL intentée après l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 1966 est soumise au régime institué par celle-ci et la prescription triennale a vocation à s’appliquer, indépendamment de la date des faits incriminés (Cass. com. 26-3-1985 84-10.109, Garrigues c/ André : Bull. civ. IV n° 113).

14456 – L’interruption de la prescription par une plainte avec constitution de partie civile n’a d’effet qu’à l’égard des faits visés dans les actes de poursuite et d’instruction et des faits connexes. Par suite, des actionnaires d’une société anonyme (SA) qui ont porté plainte avec constitution de partie civile devant une juridiction pénale pour abus de biens sociaux et abus de pouvoir, en exposant qu’une convention contraire aux intérêts de la société a été conclue entre cette dernière et une autre société ayant des dirigeants communs, sans l’autorisation préalable du conseil d’administration de la SA, font valoir en vain que cette constitution de partie civile a interrompu la prescription de l’action en responsabilité civile qu’ils ont ultérieurement formée devant une juridiction civile contre les administrateurs auxquels ils reprochent d’avoir présenté et publié de faux bilans. En effet, la constitution de partie civile ne fait pas mention de la présentation ou de la publication de faux bilans. En outre, le fait que la convention litigieuse, seule visée dans la plainte, n’a pas été régulièrement approuvée par l’assemblée générale des actionnaires est sans incidence sur la véracité des comptes, de sorte que la fausseté alléguée des bilans ne peut pas être considérée comme connexe aux faits dénoncés dans la plainte.

CA Rouen 21-9-2006 n° 04-3961, 2e ch., R. c/ SA Eure expertis :  RJDA 1/07 n° 60.

14456 – Interruption de la prescription – Assignation en référé pour la désignation d’un expert

Cass. com. 6 septembre 2016 n° 15-13.128 (n° 707 F-D),  RJDA 12/16 n° 871

(c) 2018 Editions Francis Lefebvre

 

 

Définition de l’action individuelle de RANARISON Tsilavo pour bénéficier des intérêts civils d’après les Editions Francis Lefebvre

 

En résumé :

  1. 14370 – Tout associé ou actionnaire peut engager une action en réparation du préjudice qu’il a subi personnellement du fait d’un dirigeant de la société.
  2. 14371 – Cette action (dite action individuelle) n’est recevable que si le préjudice subi par l’associé ou l’actionnaire est distinct de celui éventuellement subi par la société
  3. 14373 – Contrairement à l’action sociale qui a pour objet la réparation du préjudice subi par la société et qui peut être exercée par les associés (voir DIRIG-VI-14245 s.), l’action individuelle a pour objet la réparation d’un préjudice personnel et les dommages-intérêts alloués à l’issue d’une telle action reviennent intégralement aux associés et non à la société.

C’est la société qui est la principale victime d’un supposé abus de biens sociaux et non l’associé RANARISON Tsilavo gérant fondateur CEO NEXTHOPE. Les dommages intérêts reviennent à la société CONNECTIC et non à RANARISON Tsilavo, simple associé plaignant.

Les magistrats malgaches qui ont géré géré cette affaire ont tous violé la loi.

14370 – Tout associé ou actionnaire peut engager une action en réparation du préjudice qu’il a subi personnellement du fait d’un dirigeant de la société.

  1. civ. art. 1843-5, al. 1 pour les SNC et SCS,C. com. art. L 223-22, al. 3 pour les SARL etC. com. art. L 225-252 pour les sociétés par actions.

14371 – Cette action (dite action individuelle) n’est recevable que si le préjudice subi par l’associé ou l’actionnaire est distinct de celui éventuellement subi par la société (notamment, Cass. com. 1-4-1997, analysé DIRIG-VI-14389 ; Cass. com. 19-4-2005, analysé DIRIG-VI-14394).

14372 – La mise en oeuvre de la responsabilité des administrateurs et du directeur général à l’égard des actionnaires agissant en réparation du préjudice qu’ils ont personnellement subi n’est pas soumise à la condition que les fautes imputées à ces dirigeants soient intentionnelles, d’une particulière gravité et incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales.

Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 (n° 294 FS-PB), Sté EPF Partners c/ Abela :  RJDA 6/10 n° 637.

NdlrPour une décision affirmant que les associés peuvent agir en responsabilité, en tant que tiers, en cas de faute séparable des fonctions, voir CA Versailles 17-1-2002, 13e ch., SA Lehning Laboratoires C/ Berretti : RJDA 4/02 n° 398.

14373 – Contrairement à l’action sociale qui a pour objet la réparation du préjudice subi par la société et qui peut être exercée par les associés (voir DIRIG-VI-14245 s.), l’action individuelle a pour objet la réparation d’un préjudice personnel et les dommages-intérêts alloués à l’issue d’une telle action reviennent intégralement aux associés et non à la société.

14374 – Un associé-gérant d’une SARL n’est pas fondé à demander réparation du préjudice personnel qu’il a subi en raison des fautes de gestion de l’ancien gérant, dès lors qu’il a lui même concouru à ces agissements fautifs. En effet, les irrégularités comptables reprochées au gérant étaient connues de l’associé qui ne les a pas fait cesser alors qu’il le pouvait et qui en a tiré profit.

Cass. com. 7-12-1982 81-11.504, Renoir c/ Vidal : Bull. civ. IV n° 403.

14375 – Aux termes de l’article 2 du Code de procédure pénale, l’action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. L’article 245 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 225-252), qui rappelle brièvement ce principe, ne soumet pas la recevabilité de l’action personnelle des actionnaires à la mise en cause de la société, cette mise en cause n’étant exigée par l’article 201 du décret du 23 mars 1967 (C. com. art. R 225-170) que dans la mesure où il doit être statué sur l’action sociale.

CA Douai 31-1-1975, 4e ch., Maillard c/ Maillard.

NdlrSur les dispositions de l’article R 225-170 du Code de commerce, voir DIRIG-VI-14300 s.

14377 – Un actionnaire est irrecevable à critiquer par une action individuelle les délibérations ou actes intervenus avant son entrée dans la société (T. com. Paris 3-12-1975, analysé DIRIG-VI-14295).

14378 – Nous présentons, dans les développements ci-dessous, les décisions classées dans l’ordre chronologique, ayant apprécié la recevabilité de l’action en réparation du préjudice personnel et, notamment, l’existence ou non de ce préjudice ( DIRIG-VI-14385 s.), puis nous examinerons dans quelles conditions des actionnaires peuvent désigner un mandataire chargé d’agir en leur nom ( DIRIG-VI-14430 s.).

  1. Appréciation du préjudice personnel

14385 – Des actionnaires, qui ont engagé une action tendant à faire prononcer la nullité des décisions prises par des assemblées générales, au motif que le vote de ces assemblées a été obtenu par la production de comptes volontairement erronés qui, en faisant disparaître l’existence de tous bénéfices ont, par là même, empêché la distribution de dividendes, et qui ont ainsi invoqué les agissements dolosifs des administrateurs et sollicité l’allocation de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice en résultant pour chacun d’eux, ont, à côté de l’action sociale, exercé, comme ils en avaient le droit, une action présentant le caractère d’une action individuelle.

Cass. req. 29-10-1934, Sté des aciéries du Forez c/ Girard.

NdlrRendue sur le fondement de la loi du 24 juillet 1867, cette décision est à notre avis transposable à loi du 24 juillet 1966 (désormais reprise dans le Code de commerce).

14386 – Les deux gérants d’une SARL doivent être condamnés à verser des dommages-intérêts à un associé qui s’est plaint de l’insuffisance des inventaires et des comptes, des augmentations irrégulières des rémunérations des dirigeants et de la pratique de commissions occultes, faisant ainsi ressortir le caractère abusif des actes incriminés, ces abus ayant, de plus, imposé à cet associé des frais, peines et soins.

Cass. com. 14-12-1960, Sté Cornu c/ Cornu : Bull. civ. III n° 415.

NdlrRendue sur le fondement de la loi du 24 juillet 1867, cette décision est à notre avis transposable à loi du 24 juillet 1966 (désormais reprise dans le Code de commerce).

14387 – Une SA a subi des pertes importantes et procédé à une réduction de capital suivie d’une augmentation souscrite par un nouvel actionnaire qui s’est ainsi assuré le contrôle de la société, ce qui a entraîné une diminution sensible de la participation des autres actionnaires. Un de ces derniers a intenté une action individuelle en dommages-intérêts, fondée sur l’article 244 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 225-251), à l’encontre du président de la SA à qui il reprochait des fautes de gestion ayant entraîné les pertes sociales et la prise de contrôle par un tiers.

Cette demande doit être rejetée car l’actionnaire ne rapporte pas la preuve que les fautes qu’il impute au président lui aient fait subir un préjudice personnel. En effet :

–  les parties s’accordent pour reconnaître qu’à la suite de la prise de contrôle par le nouvel actionnaire les résultats financiers de la SA sont devenus bénéficiaires, cette société n’a donc subi aucun préjudice du fait de la gestion du président, même si celle-ci a été incertaine au cours des premiers mois d’existence en raison de l’inexpérience des dirigeants ;

–  l’actionnaire, engagé par le pacte social à subir les pertes et à profiter des gains de la société, ne peut prétendre à bénéficier en toutes circonstances du maintien de la valeur du capital qu’il a souscrit ;

–  la valeur des actions est par nature appelée à varier ;

–  la modification du capital social est la conséquence de la décision d’une assemblée générale, à laquelle l’actionnaire a participé, qui s’est révélée bénéfique puisque la société a pu poursuivre son activité et que ses résultats sont devenus rapidement bénéficiaires ;

–  l’actionnaire avait accès aux documents sociaux mais il n’apparaît pas qu’il ait alerté les dirigeants sur les erreurs qu’il dénonce comme étant des fautes grossières.

CA Dijon 23-10-1987, 1e ch. 1e sect., Bich c/ Coquerel et sur pourvoi, Cass. com. 18-7-1989 n° 1082 D.

14388 – Dans le cadre de l’article 52 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 223-22), les associés d’une SARL disposent de deux sortes d’actions à l’égard des dirigeants sociaux qui ont commis des fautes de gestion : l’une tendant à la réparation de l’entier préjudice subi par la société, constituant l’action sociale, et l’autre tendant à la réparation du préjudice que ces associés ont subi personnellement.

Dans le cas où les constatations faites par un expert judiciaire avaient permis de mettre en évidence une faute caractérisée du gérant d’une SARL (absence de convocation des assemblées et de communication des pièces comptables ; retard dans l’immatriculation de la société ; nombreuses erreurs et omissions comptables), l’associé de la société, qui a personnellement payé les frais de la nomination de cet expert judiciaire – frais qui constituent pour lui des pertes et lui occasionnent un préjudice propre -, peut en poursuivre le recouvrement contre le responsable réel, à savoir le gérant, peu important l’utilité de la nomination de l’expert pour la société.

CA Paris 10-7-1991, 5e ch. A, Mandin c/ El Grably : RJDA 12/91 n° 1035.

14389 – C’est à tort qu’une cour d’appel accueille la demande en paiement de dommages-intérêts formée par les actionnaires d’une SA à l’encontre des anciens dirigeants de celle-ci pour les fautes commises dans leur gestion, au motif que ces fautes avaient contribué à la dépréciation de la société ce qui avait entraîné dans les comptes d’une des sociétés actionnaires une provision pour dépréciation de ses titres de 18 000 000 F (environ 2,8 millions d’euros), alors que le préjudice subi par les actionnaires n’était que le corollaire du dommage causé à la société et n’avait aucun caractère personnel.

Cass. com. 1-4-1997 n° 879 D, Sté Liaud et compagnie c/ Compagnie Financière de CIC et de l’Union Européenne :  RJDA 5/97 n° 659.

14390 – Des actionnaires, qui n’allèguent aucun préjudice personnel particulier distinct de celui subi par tous les actionnaires, sont individuellement irrecevables à rechercher la responsabilité personnelle des dirigeants sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, alors que leur préjudice, constitué par la dévalorisation des actions, se confond avec celui de l’action sociale fondée sur l’article 245 de la loi du 24 juillet 1966 (C. com. art. L 225-252).

CA Paris 12-5-2000, 3e ch. B, SARL Manufacture de Matériaux Modernes c/ Brunengo.

14391 – Dans un cas où un actionnaire avait demandé qu’un administrateur soit condamné à lui verser une somme représentant la perte de valeur de ses actions du fait des fautes que ce dernier avait commises dans la gestion sociale et qui avaient entraîné la mise en redressement judiciaire de la société ainsi que la réduction du capital à zéro suivie d’une augmentation de capital, cette demande doit être rejetée dès lors que le préjudice invoqué par l’actionnaire, qui n’était que le corollaire de celui causé à la société, n’avait aucun caractère personnel.

Cass. com. 15-1-2002 n° 66 D, Alberti c/ Rebeyrol :  RJDA 6/02 n° 650.

14392 – L’associé et cogérant d’une société civile qu’il avait constituée avec son épouse, pour l’acquisition d’un appartement dans lequel ils exerçaient leur activité professionnelle commune, avait souhaité vendre l’actif de la société après le divorce du couple.

Invoquant l’article 1843-5 du Code civil, il reprochait, en sa qualité d’associé, à son ex-épouse, cogérante, d’avoir refusé une proposition d’achat du bien immobilier au prix de 1 100 000 F (environ 168 000 €), ce dernier ayant été finalement adjugé sur surenchère à 851 000 F (environ 130 000 €) trois ans plus tard, et d’avoir ainsi contribué à l’aggravation du passif de la société et partant, de ses propres pertes financières.

L’action engagée par l’associé en réparation de son préjudice financier correspondant à la perte qu’il subit proportionnellement au nombre de parts qu’il détient dans la société n’est pas une action personnelle distincte de l’action sociale dès lors qu’elle tend en premier lieu à la réparation du préjudice subi par la société et, par ricochet, à la réparation de son préjudice personnel qui n’est pas distinct du préjudice social mais proportionnel au nombre de parts qu’il détient dans la société.

CA Aix-en-Provence 7-7-2004 n° 04-537, 1e ch. B, Barnier c/ Commare :  RJDA 12/05 n° 1351.

14393 – L’actionnaire d’une société ne peut agir en justice à l’encontre d’un administrateur, en réparation d’un préjudice personnel, que s’il a subi un préjudice distinct de celui de la société.

Par suite, doit être cassé l’arrêt qui, pour retenir le principe d’un préjudice réparable subi par les associés personnellement, se borne à affirmer que les actionnaires d’une société sont en droit d’obtenir réparation du préjudice qu’ils ont subi personnellement du fait de la vente par l’un des administrateurs d’un bien de la société à un tiers, alors que l’amoindrissement du patrimoine ne peut pas constituer le préjudice subi personnellement par l’associé, distinct du préjudice social.

Cass. com. 21-9-2004 n° 1241 F-D, Commune du Moule c/ Genies :  RJDA 12/04 n° 1326.

14394 – L’action individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l’encontre des dirigeants de la société ne peut tendre qu’à la réparation d’un préjudice personnel distinct de celui causé à la personne morale.

Par suite, dans un cas où le gérant associé d’une SARL avait volontairement organisé la ruine de la société du fait de la mésentente qui s’était instaurée avec son coassocié et dans le dessein de reprendre seul l’activité sociale, et où les fautes ainsi commises avaient entraîné, avec la ruine de l’entreprise, la perte quasi-totale de la valeur des parts sociales, il y a lieu de rejeter l’action individuelle engagée par le coassocié car, quels qu’aient été les mobiles les ayant inspirées, les fautes commises par le gérant n’avaient pas causé à son coassocié un préjudice personnel distinct du préjudice social.

Cass. com. 19-4-2005 n° 641 F-D, Ges c/ Ges :  RJDA 7/05 n° 813.

14395 – Les administrateurs d’une société anonyme ont intentionnellement induit en erreur les actionnaires minoritaires sur les causes et les conditions de l’opération de réduction de capital par voie de rachat d’actions qui leur a été proposée et ont ainsi commis des fautes qui engagent leur responsabilité envers eux. En effet, la réduction de capital, enfermée dans une limite correspondant au montant du capital détenu par les actionnaires minoritaires, était en fait réservée à ceux-ci ; l’offre des titres a été faite pour une valeur notoirement inférieure à leur valeur réelle ; les administrateurs, actionnaires majoritaires de la société, avaient pleinement conscience de cette valeur dont les actionnaires minoritaires n’avaient pas été informés et l’opération a été faussement présentée comme motivée par l’existence d’excédents de trésorerie alors que sa cause réelle résidait dans l’élimination des minoritaires.

Cass. com. 8-11-2005 n° 1380 F-D, Bourguignon c/ Buffet :  RJDA 3/06 n° 271.

14396 – Ne tire pas les conséquences de ses constatations la cour d’appel qui, pour accueillir l’action en responsabilité engagée par un associé contre l’ancien gérant de la société, retient que l’associé n’exerce pas l’action sociale mais une action personnelle en réparation de son propre préjudice et que l’ancien gérant a commis des fautes dans la gestion de la société engageant sa responsabilité à l’égard de cet associé minoritaire, alors qu’elle a relevé que lesdites fautes ont conduit à une réduction de l’activité de la société au profit d’une autre société en créant une confusion dans l’esprit de la clientèle entre les deux sociétés, permettant à la seconde société d’absorber l’activité voire les actifs de la première, ce dont il résulte que le préjudice subi par l’associé, n’étant que le corollaire du dommage causé à la société, n’a aucun caractère personnel.

Cass. com. 4-7-2006 n° 879 F-D, Koenig c/ Schneider :  RJDA 11/06 n° 1141.

14397 – Dans un cas où l’associé d’une société civile d’exploitation agricole avait assigné le gérant de celle-ci en responsabilité en raison du préjudice subi du fait de l’acceptation sans indemnité de la résiliation d’un bail des terres agricoles consenti à la société et de la perte du bénéfice auquel il pouvait prétendre si les terres étaient restées dans l’exploitation, et partant, de la valeur des parts sociales, il y a lieu de rejeter sa demande dès lors que le préjudice résultant de la résiliation du bail sans indemnité, n’étant que le corollaire de celui subi par la société, n’avait aucun caractère personnel.

Cass. com. 21-10-2008 n° 07-17.832 (n° 1042 F-D), Cheron c/ Lefort :  RJDA 6/09 n° 543.

14398 – Un actionnaire n’avait pas participé à une augmentation du capital de la société qui, selon lui, aurait été inutile si le président du conseil d’administration n’avait pas volontairement sous-évalué un élément d’actif d’une filiale à l’occasion de sa cession. Il en résulte que l’augmentation de capital critiquée était la conséquence d’un amoindrissement de l’actif social et que la dilution de la participation de l’actionnaire après l’augmentation ne lui avait pas été imposée, de sorte que le préjudice causé par cette dilution ne revêtait pas un caractère personnel. L’actionnaire ne pouvait donc pas en demander réparation au président.

Cass. com. 7-7-2009 n° 08-19.512 (n° 686 F-D), Joffres c/ Bonneau :  RJDA 10/09 n° 847.

14399 – Dans un cas où les associés d’une société civile immobilière, propriétaire de locaux donnés en location, avaient assigné le gérant de la société auquel ils reprochaient des fautes de gestion consistant à ne pas avoir encaissé ni revalorisé tous les loyers revenant à la société, en indemnisation de leur préjudice résultant d’une moindre distribution de bénéfices, encourt la cassation l’arrêt qui accueille cette demande alors que le préjudice allégué ne se distingue pas de celui qui atteint la société tout entière dont il n’est que le corollaire.

Cass. 3e civ. 22-9-2009 n° 08-18.483 (n° 1088 F-D), Leroux c/ Vincent :  RJDA 1/10 n° 55.

14400 – Le fait que les actionnaires de la société aient été incités à investir dans les titres émis par celle-ci et à les conserver en raison de fausses informations diffusées par les dirigeants, d’une rétention d’informations et d’une présentation aux actionnaires de comptes inexacts, constitue un préjudice personnel.

Celui qui acquiert ou conserve des titres émis par voie d’offre au public au vu d’informations inexactes, imprécises ou trompeuses sur la situation de la société émettrice perd seulement une chance d’investir ses capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé. Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui retient que le préjudice des actionnaires de la société ne s’analyse pas en la perte d’une chance d’investir ailleurs leurs économies dès lors qu’il est, en réalité, au minimum de l’investissement réalisé ensuite des informations tronquées portées à leur connaissance.

Cass. com. 9-3-2010 n° 08-21.547 (n° 294 FS-PB), Sté EPF Partners c/ Abela :  RJDA 6/10 n° 637.

14401 – L’usufruitier de parts sociales d’une société civile immobilière (SCI) avait assigné le gérant de celle-ci en responsabilité en raison du préjudice subi résultant de la décision de confier la gestion de l’immeuble détenu par la SCI à une autre société pour un montant d’un peu plus de 50 000 € d’honoraires sur quinze ans.

Encourt la cassation l’arrêt qui, pour accueillir cette demande, retient les motifs suivants, insuffisants à caractériser un préjudice personnel de l’usufruitier, distinct de celui subi par la SCI :

–   la gestion d’un immeuble en location n’entrait aucunement dans l’objet social de la société à laquelle elle avait été confiée, celle-ci exerçant l’activité de négoce de vins et spiritueux et ne possédant aucune qualification pour assurer une gestion locative ;

–  la nécessité de recourir à un tiers pour assurer la gestion locative de l’immeuble n’était pas justifiée par le gérant de la SCI ;

–   les honoraires dont l’affectation avait été votée uniquement par le gérant et son épouse, associés majoritaires de la SCI, n’avaient bénéficié qu’à eux-mêmes, puisqu’ils étaient respectivement gérant et associée de la société à laquelle la gestion de l’immeuble avait été confiée ;

–  la décision litigieuse avait eu pour effet de priver l’usufruitier, dans la répartition des bénéfices, d’une somme qui n’avait profité qu’aux autres associés et lui avait causé un préjudice personnel qui ne se confondait pas avec la perte de bénéfices de la SCI, dans la mesure où il soutenait avoir été le seul privé de ces revenus.

Cass. 3e civ. 16-11-2011 n° 10-19.538 (n° 1352 FS-D), Cassin c/ Petreschi :  RJDA 2/12 n° 163.

14402 – La perte de valeur des parts sociales consécutive à l’amoindrissement du patrimoine social ne constitue pas pour les associés un préjudice personnel réparable.

Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui retient que du fait de la gestion du dirigeant de la société et de la confusion opérée par lui entre cette dernière et son associé majoritaire, une société ayant le même objet statutaire, la première n’a plus enregistré d’affaire nouvelle et la totalité du résultat a été absorbée par des commissions et ajoute que la valeur des parts sociales ne pouvait qu’être réduite à peu de choses dès lors que le dirigeant a cessé l’activité de la société et qu’il a appréhendé personnellement la totalité de son chiffre d’affaires issu de l’activité antérieure pour en déduire qu’un associé avait subi un préjudice personnel et que la perte subie était équivalente à sa part dans les droits sociaux.

Cass. com. 12-6-2012 n° 11-14.724 (n° 663 F-D), Vineski c/ Candeias :  RJDA 10/12 n° 859.

14403 – Subissent un préjudice personnel les actionnaires qui ont été incités soit à souscrire soit à conserver des titres par les manoeuvres de leurs dirigeants ayant consisté à donner une image tronquée de la situation de la société. Cette dernière ne subit elle-même en cette hypothèse, contrairement à ses actionnaires, aucun préjudice propre lié à une perte de son patrimoine. Dans ces conditions, sous réserve de la prescription qui commande la recevabilité de l’action, le bien-fondé de l’action d’un actionnaire sera reconnu sur le fondement des dispositions de l’article L 225-251 du Code de commerce si celui-ci établit à la fois l’existence de manoeuvres des dirigeants destinées à donner une image tronquée de la situation de l’entreprise et le préjudice qui en est résulté pour lui.

La diffusion d’informations tronquées sur la situation exacte d’une société a pour but d’inciter les tiers à acquérir ou conserver les titres de cette dernière de sorte qu’il ne peut pas être utilement soutenu qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la faute commise et le préjudice des actionnaires constitué par la perte d’une chance d’investir leurs capitaux dans un autre placement ou de renoncer à celui déjà réalisé. La perte de chance doit s’apprécier en fonction de l’importance qu’ont pu avoir les informations inexactes portées à la connaissance des tiers sur leur décision d’acquérir ou de conserver les titres de la société concernée. En l’espèce, l’actionnaire a acquis les titres de la société après que celle-ci eut révélé qu’elle n’était pas en mesure de déterminer par affaire en cours la formation du résultat et qu’une provision correspondant aux écarts constatés de 13,8 M € apparaissait nécessaire et à une date où le titre de la société était au plus bas. Ces circonstances établissent que, malgré les informations récentes portées à la connaissance du public sur la tension de la trésorerie, l’actionnaire conservait confiance dans l’avenir de la société dont les dirigeants persistaient à donner l’image d’une société en pleine croissance et dont les difficultés actuelles n’étaient que passagères. Si l’actionnaire a manifestement cherché à réaliser une bonne opération, comme tout investisseur en bourse, ce fait est sans conséquence sur l’existence et l’ampleur de son préjudice qu’il convient de réparer à hauteur de la somme de 70 000 €, au paiement de laquelle les administrateurs seront condamnés in solidum.

CA Limoges 17-1-2013 n° 11/01356, ch. civ., T. c/ G. :  RJDA 8-9/13 n° 727.

14404 – Le gérant d’une société dont l’objet social était l’acquisition d’un terrain dont il était propriétaire avait ultérieurement cédé son bien à un tiers.

Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui retient que la vente par le gérant de son terrain à un tiers, en tant qu’elle avait eu pour effet de vider de tout objet la société, avait constitué une faute, ce dont il résultait qu’un associé de la société était en droit de réclamer réparation du préjudice que cette faute lui avait personnellement causé.

Cass. com. 8-4-2014 n° 13-13.439 (n° 371 F-D), Bercin c/ Depond :  RJDA 10/14 n° 779.

NdlrLe gérant a été condamné à payer à l’associé la somme de 40 000 €. Les juges du fond ont en effet relevé qu’en application des statuts, l’associé aurait dû percevoir la somme de 30 000 € au titre du transfert du bénéfice d’un permis de construire qu’il avait obtenu. En outre, l’associé avait perdu une chance de réaliser des bénéfices sur l’opération de promotion immobilière faisant partie de l’objet social.

14405 – A commis une faute de gestion le dirigeant d’une société qui a mentionné dans les registres des mouvements de titres de la société de faux actes de cession et en a tenu compte dans l’administration et la gestion de celle-ci. Bien que n’ayant pas été retenu comme auteur des faux, ces derniers n’ont toutefois pas pu échapper au dirigeant qui a d’ailleurs été condamné du chef de leur usage.

Un associé invoque valablement, comme conséquence préjudiciable de la cession frauduleuse de ses titres, la perte des dividendes dont il a été évincé de la distribution. Par suite, le dirigeant sera condamné à payer 48 391,84 € à l’associé à titre de dommages-intérêts, somme correspondant aux dividendes attachés aux titres faussement cédés.

CA Paris 10-6-2014 n° 13/02604, ch. 5-8, F. c/ H. :  RJDA 11/14 n° 837.

14405 – Préjudice personnel subi par un associé – Fait pour un associé de recevoir à son domicile des courriers destinés à la société alors qu’il n’est plus dirigeant de la société

CA Montpellier 31 mars 2015 n° 13/05654, 2e ch. BRDA 11/15 Inf. 3

  1. Exercice de l’action

GROUPEMENT D’ACTIONNAIRES

14430 – Les actionnaires de sociétés par actions qui, sur le fondement des dispositions de l’article L 225-251 et L 225-56, entendent demander aux administrateurs, au directeur général ou aux membres du directoire la réparation du préjudice qu’ils ont subi personnellement en raison des mêmes faits peuvent donner à un ou plusieurs d’entre eux le mandat d’agir en leur nom devant les juridictions civiles, sous les conditions suivantes :

  1. Le mandat doit être écrit et mentionner expressément qu’il donne au(x) mandataire(s) le pouvoir d’accomplir au nom du mandant tous les actes de procédure ; il précise, s’il y a lieu, qu’il emporte le pouvoir d’exercer les voies de recours ;
  2. La demande en justice doit indiquer les nom, prénoms et adresse de chacun des mandants ainsi que le nombre des actions qu’ils détiennent. Elle précise le montant de la réparation réclamée par chacun d’eux.
  3. com. art. R 225-167.

14431 – Les actes de procédure et de notification sont réputés valablement accomplis à l’égard du ou des seuls mandataires.

  1. com. art. R 225-168.

14432 – L’article R 225-167 n’autorise expressément les actionnaires à se grouper pour exercer l’action en réparation de leur préjudice individuel que si cette action est dirigée contre les administrateurs, le directeur général ou les membres du directoire. Cette possibilité est également ouverte pour les actions dirigées contre les autres dirigeants qui sont responsables dans les mêmes conditions que les administrateurs (gérant de société en commandite par actions : art. L 226-1, al. 2 ; dirigeants de SAS : art. L 227-8).

En revanche, elle est exclue pour les actions dirigées contre des membres du conseil de surveillance ou des directeurs généraux délégués non administrateurs.

EXTINCTION DE L’ACTION

14435 – Le quitus donné aux gérants par une assemblée générale ne fait pas obstacle à l’action individuelle que les porteurs de parts exercent contre ces gérants pour obtenir réparation d’un préjudice qui leur est personnel.

Cass. 3e civ. 4-11-1976, Susini c/ Andrieu : Bull. civ. III n° 381.

NdlrRendue à propos d’une société civile, cette décision est transposable aux sociétés commerciales.

14436 – Sur la prescription de l’action, voir DIRIG-VI-14464 s.

3.Action fondée sur la faute détachable

  1. Dirigeants visés par le Code de commerce

1445 – Les articles L 223-22 et L 225-251 prévoient que les dirigeants qu’ils visent, expressémentou sur renvoi d’un autre texte (gérant de SARL, administrateurs, directeur général et membres du directoire de SA, gérant de société en commandite par actions, dirigeants de SAS : DIRIG-VI-14218 s.), sont responsables envers les tiers, individuellement ou solidairement, des fautes qu’ils commettent.

L’action engagée par un tiers contre ces dirigeants doit donc être fondée sur ces textes. Néanmoins, la question se pose de savoir si, au lieu d’engager l’action en invoquant ces dispositions, le tiers peut l’exercer sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle (C. civ. art. 1382). Aucune décision n’apporte de réponse de principe à cette question ; jusqu’à présent, lorsque les pourvois qui lui sont soumis font référence à l’article 1382 du Code civil, la Cour de cassation se borne à remplacer ce texte dans ses visas par les dispositions spéciales du droit des sociétés commerciales (notamment, Cass. com. 27-1-1998 n° 313 :  RJDA 5/98 n° 610 ; Cass. com. 28-4-1998 n° 961 :  RJDA 7/98 n° 874).

A notre avis, seules ces dernières peuvent être invoquées. En effet, la jurisprudence introduisant la notion de faute séparable a pour objet de soumettre la responsabilité civile des dirigeants visés par l’article L 223-22 ou L 225-251 à un régime homogène : ainsi, que ce soit à l’égard de la société ou à l’égard des tiers, cette action est soumise au même délai de prescription de trois ans ( DIRIG-VI-14391). Si l’action en responsabilité engagée par les tiers avait pour fondement l’article 1382 du Code civil, cette action se prescrirait par cinq ans ; laisser à la victime la liberté de choisir entre les deux actions lui permettrait d’agir sur le fondement du droit commun lorsque l’action est prescrite sur le fondement du Code de commerce, ce qui ne serait pas cohérent.

  1. Autres dirigeants

14452 – En l’absence de texte spécial, l’action en responsabilité des tiers contre les dirigeants non visés par le Code de commerce (gérant de société en nom collectif, de société en commandite simple et directeurs généraux délégués non administrateurs de SA) pour faute séparable est admise, à notre avis, sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle (C. civ. art. 1382).

4.Prescription de l’action en responsabilité

14455 – L’action en responsabilité contre le gérant de SARL ou les dirigeants de SA, SCA et SAS, tant sociale qu’individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, si celui-ci a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait dommageable constitue une infraction qualifiée de crime, l’action ne se prescrit que par dix ans.

  1. com. art. L 223-23 pour les SARL et art. L 225-254 pour les SA classiques, sur renvoi de l’article L 225-256 et L 225-257, al. 2 pour les SA à directoire, sur renvoi de l’article L 226-1, al. 2, pour les SCA et, sur renvoi de l’article L 227-8, pour les SAS.

NdlrLa prescription triennale a été instituée par la loi du 24 juillet 1966. La Cour de cassation a précisé comme suit ses modalités d’entrée en vigueur.

  1. La prescription triennale ne peut pas s’appliquer à une action engagée avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 1966. Par suite, l’ancien gérant d’une SARL assigné par celle-ci le 26 octobre 1962 en paiement d’une somme représentant le solde débiteur du compte courant qui lui avait été ouvert alors qu’il exerçait ses fonctions ne peut pas se voir appliquer la prescription triennale. Le fait qu’une procédure pénale ait suivi cette première assignation et que la société ait, par assignation du 19 février 1970, repris devant le juge civil sa demande en paiement du solde débiteur ne change pas la date à laquelle l’action a été intentée initialement (Cass. com. 3-10-1973, Delamette c/ Sté Bois africains contreplaqués : Bull. civ. IV n° 268).
  2. L’action en responsabilité dirigée par un associé contre les héritiers d’un ancien gérant de SARL intentée après l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 1966 est soumise au régime institué par celle-ci et la prescription triennale a vocation à s’appliquer, indépendamment de la date des faits incriminés (Cass. com. 26-3-1985 84-10.109, Garrigues c/ André : Bull. civ. IV n° 113).

14456 – L’interruption de la prescription par une plainte avec constitution de partie civile n’a d’effet qu’à l’égard des faits visés dans les actes de poursuite et d’instruction et des faits connexes. Par suite, des actionnaires d’une société anonyme (SA) qui ont porté plainte avec constitution de partie civile devant une juridiction pénale pour abus de biens sociaux et abus de pouvoir, en exposant qu’une convention contraire aux intérêts de la société a été conclue entre cette dernière et une autre société ayant des dirigeants communs, sans l’autorisation préalable du conseil d’administration de la SA, font valoir en vain que cette constitution de partie civile a interrompu la prescription de l’action en responsabilité civile qu’ils ont ultérieurement formée devant une juridiction civile contre les administrateurs auxquels ils reprochent d’avoir présenté et publié de faux bilans. En effet, la constitution de partie civile ne fait pas mention de la présentation ou de la publication de faux bilans. En outre, le fait que la convention litigieuse, seule visée dans la plainte, n’a pas été régulièrement approuvée par l’assemblée générale des actionnaires est sans incidence sur la véracité des comptes, de sorte que la fausseté alléguée des bilans ne peut pas être considérée comme connexe aux faits dénoncés dans la plainte.

CA Rouen 21-9-2006 n° 04-3961, 2e ch., R. c/ SA Eure expertis :  RJDA 1/07 n° 60.

14456 – Interruption de la prescription – Assignation en référé pour la désignation d’un expert

Cass. com. 6 septembre 2016 n° 15-13.128 (n° 707 F-D),  RJDA 12/16 n° 871

(c) 2018 Editions Francis Lefebvre

 

 

Définition de l’action civile qui a permis à RANARISON Tsilavo de se faire attribuer 1.500.000.000 ariary par les Editions Francis LEFEBVRE

RANARISON Tsilavo, simple associé de la société CONNECTIC,   n’a même pas le droit d’être partie civile alors que la Justice malgache lui a attribué 1.500.000.000 ariary d’intérêts civils à titre personnel pour un supposé délit  d’abus des biens sociaux.

 

En résumé sur l’action civile :

  1. 17072 – L’action civile est exercée par la victime d’une infraction, c’est-à-dire toute personne qui subit un préjudice du fait d’agissements constitutifs d’une infraction pénale (CPP art. 2, al. 1)(CPP malgache art.6, al.1)
  2. 17075 – Selon le droit commun, la constitution de partie civile n’est recevable que si le préjudice subi par la victime est personnel et résulte directement de l’infraction commise par le dirigeant.
  3. 17072 – L’action civile est exercée par la victime d’une infraction, c’est-à-dire toute personne qui subit un préjudice du fait d’agissements constitutifs d’une infraction pénale (CPP art. 2, al. 1).
  4. 17095 – Les associés et actionnaires peuvent exercer, devant la juridiction pénale, l’action sociale (sur cette action, voir ci-dessus DIRIG-VI-14170 s.) en vue d’obtenir réparation du préjudice subi par la société du fait d’agissements du dirigeant constitutifs d’une infraction pénale. Dans ce cas, l’obligation de mettre la société en cause prévue en cas d’exercice de l’action sociale par les associés ou actionnaires doit être respectée (DIRIG-VI-14263 s.).
  5. 17115 – Le préjudice dont la personne qui s’estime lésée demande réparation doit être évalué conformément au droit commun de la responsabilité civile délictuelle, sous réserve des particularités exposées DIRIG-VI-17680 s. pour l’abus de biens sociaux et DIRIG-VI-17995 pour la présentation de comptes infidèles.
  6. 17117 – Si les juges apprécient souverainement dans les limites des conclusions de la partie civile l’indemnité qui est due à celle-ci, cette appréciation cesse d’être souveraine lorsqu’elle résulte de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés.

Elle a pour but d’obtenir réparation du préjudice résultant des faits répréhensibles. La victime (société, associés ou tiers) devient alors partie au procès pénal.

Elle peut agir par voie d’action, c’est-à-dire déclencher elle-même les poursuites au moyen d’une plainte avec constitution de partie civile devant le pôle de l’instruction compétent (CPP art. 85) ou d’une citation directe devant le tribunal (correctionnel : CPP art. 388, de police et juridiction de proximité : CPP art. 531). Elle peut également choisir de se constituer partie civile par voie d’intervention, en profitant de l’ouverture d’une information par le ministère public (CPP art. 87) ou au moment de l’audience (CPP art. 371 : cour d’assises, CPP art. 418 : tribunal correctionnel, CPP art. 536 : tribunal de police et juridiction de proximité).

La victime bénéficie alors des mesures prises pendant l’enquête de police ou l’instruction et peut influer sur elles, notamment en présentant au magistrat instructeur des demandes d’expertise ou en contestant ses décisions. L’action de la victime, à l’instar de celle du parquet, obéit aux règles de prescription de l’action publique.

1. Conditions de recevabilité

PRÉJUDICE

17075 – Selon le droit commun, la constitution de partie civile n’est recevable que si le préjudice subi par la victime est personnel et résulte directement de l’infraction commise par le dirigeant.
Les cas dans lesquels les juges se sont le plus souvent prononcés sur la recevabilité d’une constitution de partie civile sont notamment l’abus de biens sociaux ( DIRIG-VI-17621 s.), la présentation de comptes infidèles ( DIRIG-VI-17970 s.).

17076 – Un mandataire social doit répondre personnellement de ses agissements délictueux qui sont de nature à causer un préjudice direct non seulement à la société mais également à ses associés ou actionnaires. Par suite, un actionnaire de SA est recevable à se constituer partie civile à l’encontre, d’une part, du président-directeur général de cette société qui a minoré le stock de marchandises de celle-ci lors d’un inventaire dont il avait la charge et, d’autre part, du liquidateur de la société qui a cédé une partie de l’actif sans le consentement unanime des associés ni l’autorisation du tribunal de commerce.
Cass. crim. 8-11-1993 n° P 93-80.056 D, Haenni.

17077 – Les détournements commis par le gérant d’une SNC occasionnent aux autres associés, qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, un préjudice personnel et direct, de sorte qu’un associé est recevable à se constituer partie civile.
Cass. crim. 10-4-2002 n° 2310 FS-PF, Davy : RJDA 2/03 n° 148.

ACTION FORMÉE DEVANT LES JURIDICTIONS D’INSTRUCTION

17085 – Les critères de recevabilité de la constitution de partie civile sont moins stricts devant les juridictions d’instruction puisqu’il suffit alors que les circonstances sur lesquelles s’appuie le demandeur permettent au juge d’admettre comme possibles, d’une part, l’existence du préjudice allégué et, d’autre part, la relation directe de celui-ci avec l’infraction (notamment, Cass. crim. 5-11-1991 : DIRIG-VI-17974). Toutefois, le fait d’admettre une constitution de partie civile au stade de l’instruction laisse entier le droit de la juridiction de jugement de se prononcer sur le bien-fondé de celle-ci en recherchant si la preuve du préjudice personnel et direct dont aurait souffert la partie civile est effectivement établie.

17086 – Pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant les juridictions d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possibles l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec l’infraction.
Par suite, une juridiction d’instruction ne peut pas déclarer irrecevable la constitution de partie civile d’une société qui se prétend victime d’un abus de biens sociaux en retenant qu’à ce stade de l’enquête, le délit n’est pas suffisamment caractérisé pour établir l’existence d’un préjudice rendant recevable une constitution de partie civile.
Cass. crim. 8-10-2002 n° 5631 F-D, Sté Tanon.

17087 – L’attitude adoptée au cours de l’instruction par la personne qui se constitue partie civile importe peu pour déterminer la recevabilité de son action.

17088 – Une juridiction d’instruction ne peut pas valablement déclarer irrecevable la constitution de partie civile formée par une société à l’encontre de ses anciens dirigeants pour abus de biens sociaux, en retenant, d’une part, que, durant l’information, la société a longtemps apporté son soutien financier à ces derniers et, d’autre part, que le préjudice allégué n’est qu’indirect dans la mesure où il est la conséquence des développements de l’enquête et qu’il est en grande partie imputable à la défaillance des instances dirigeantes de la société, qui n’ont pas exercé un contrôle suffisant sur l’action des représentants de celle-ci.
Cass. crim. 16-2-1999 n° 31 PF, Sté d’économie mixte d’aménagement, de gestion d’investissement et de réalisation (Semagir) : RJDA 6/99 n° 685.

MISE EN CAUSE DE LA SOCIÉTÉ

17095 – Les associés et actionnaires peuvent exercer, devant la juridiction pénale, l’action sociale (sur cette action, voir ci-dessus DIRIG-VI-14170 s.) en vue d’obtenir réparation du préjudice subi par la société du fait d’agissements du dirigeant constitutifs d’une infraction pénale. Dans ce cas, l’obligation de mettre la société en cause prévue en cas d’exercice de l’action sociale par les associés ou actionnaires doit être respectée (DIRIG-VI-14263 s.).

QUALITÉ D’ASSOCIÉ OU D’ACTIONNAIRE

17100 – Il n’est pas nécessaire que celui qui se constitue partie civile ait été associé ou actionnaire au moment de la réalisation de l’infraction.

17101 – Aucun texte n’exige des actionnaires d’une SA qui se constituent parties civiles devant le juge d’instruction qu’ils prouvent avoir été détenteurs de leurs titres à la date où se sont produits les faits frauduleux.
Cass. crim. 27-11-1978 n° 77-92.287, Nowina : Bull. crim. n° 329.

17102 – Voir aussi Cass. crim. 5 novembre 1991 n° X 90-80.605 PF : DIRIG-VI-17974 et Cass. crim. 16 avril 2008 n° 07-84.713 : DIRIG-VI-17975.

CAS PARTICULIERS

17105 – En cas de fusion de sociétés, la société absorbante est recevable à se constituer partie civile devant la juridiction répressive pour demander réparation du dommage résultant d’actes délictueux commis au préjudice de la société absorbée par ses dirigeants sociaux, puisque, par l’effet de la fusion, la société absorbante est substituée activement et passivement, à titre universel, aux droits et obligations de la société absorbée.
Cass. crim. 25-5-1987 n° 85-94.968, Chataing : Bull. crim. n° 215 ; Cass. crim. 7-4-2004 n° 2017 F-D, Peret : RJDA 10/04 n° 1118.

17106 – En cas de fusion de sociétés, les associés de la société absorbante sont recevables, sur le fondement de l’article L 225-252 du Code de commerce, à se constituer partie civile devant la juridiction d’instruction pour demander réparation du dommage résultant d’actes délictueux (notamment abus de biens sociaux) commis au préjudice de la société absorbée et de ses filiales par leurs dirigeants sociaux.
Cass. crim. 2-4-2003 n° 2002 F-PF, Geniteau : RJDA 12/03 n° 1190.

17108 – Lorsque la société victime d’une infraction est en liquidation judiciaire, elle peut se constituer partie civile devant le juge pénal (application de l’article L 641-9, I-al. 2 du Code de commerce). Cette règle, qui, à notre avis, n’interdit pas au liquidateur judiciaire d’agir aux mêmes fins, ne vaut que pour les procédures de liquidation ouvertes à compter du 1er janvier 2006.
Pour les procédures en cours à cette date, la constitution de partie civile de la société n’est ouverte que si cette dernière limite son action à la poursuite de l’action publique, sans solliciter de réparation civile (C. com. art. L 622-9, al. 2 ancien). Il en résulte que seul le liquidateur judiciaire peut alors se constituer partie civile pour demander réparation à l’auteur de l’infraction.

2.Réparation du préjudice

17115 – Le préjudice dont la personne qui s’estime lésée demande réparation doit être évalué conformément au droit commun de la responsabilité civile délictuelle, sous réserve des particularités exposées DIRIG-VI-17680 s. pour l’abus de biens sociaux et DIRIG-VI-17995 pour la présentation de comptes infidèles.

17115 – Relaxe correctionnelle – Appel de la partie civile – Droit à indemnisation
Cass. crim. 5 février 2014 n° 12-80.154 (n° 173 FS-PBRI). BRDA 6/14 Inf. 4

17117 – Si les juges apprécient souverainement dans les limites des conclusions de la partie civile l’indemnité qui est due à celle-ci, cette appréciation cesse d’être souveraine lorsqu’elle résulte de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés.

Par suite, c’est à tort qu’a été déduite du montant de l’indemnisation devant être versée à la partie civile (925 666 F, soit 141 100 € environ), en réparation d’un dommage causé par un abus des biens et du crédit sociaux, une somme déjà versée à celle-ci (630 000 F, soit 96 000 € environ), mais correspondant à une précédente condamnation pour un autre abus de biens (qui n’avait toutefois causé qu’un préjudice évalué à 516 050 F, soit 78 600 € environ).
En effet, cette déduction de 630 000 F aurait dû être opérée sur la totalité des préjudices résultant des deux séries de faits (925 666 F + 516 050 F, soit 1 441 716 F, soit 219 700 € environ) pour lesquels le dirigeant a été condamné.
Cass. crim. 13-3-1975 n° 91-95.574, Boujassy : Bull. crim. n° 78.

17118 – Le gérant de deux sociétés ayant été déclaré responsable sur ses biens personnels des conséquences de plusieurs délits (abus de biens sociaux, omission de réunir une assemblée générale et banqueroute), sa responsabilité est partielle dès lors que le dépôt de bilan de l’une de ces sociétés a également été causé par une conjoncture économique défavorable, un manque d’aptitude à gérer une affaire commerciale, des investissements trop onéreux effectués avec l’accord des associés et la mauvaise entente de ceux-ci.
Cass. crim. 28-4-1981 n° 80-90.186, Bessade.

17119 – Dans un cas où, après l’assemblée générale ayant décidé sa nomination, le gérant d’une société avait découvert le détournement de fonds sociaux auquel s’était livré l’ancien gérant, ce dernier doit être condamné à verser à la société des dommages-intérêts correspondant aux sommes détournées, même si, lors de l’assemblée en cause, il avait pris l’engagement de rembourser celles-ci, dès lors que la créance de la société à son égard n’avait pas pu être éteinte par cet engagement financier.
Cass. crim. 18-6-1998 n° 3837 D, Algarra.

17120 – RJDA 12/16 n° 916 Cass. crim. 19 mai 2016 n° 14-88.387 (n° 2043 F-D)
BRDA 5/17 Inf. 2 Cass. crim. 5-1-2017 n° 15-82.435 F-D Cass crim. 7-12-2016 n° 15-86.731 F-PB
L’auteur d’un délit est tenu de réparer intégralement le préjudice qui en résulte (C. civ. art. 1382). Par suite, les juges ne peuvent pas rejeter l’action formée contre d’anciens dirigeants sociaux en vue de réparer le préjudice financier subi par la société du fait d’abus de biens sociaux en relevant que celle-ci a subi d’importantes modifications depuis les faits puisqu’elle a été restructurée grâce à un apport de fonds propres émanant d’un repreneur et qu’en raison de ces mesures, intervenues après les agissements délictueux, la situation de la société a été restaurée et les conséquences préjudiciables de ces agissements ont été réparées.
En effet, l’apport de fonds propres émanant du repreneur ne pouvait pas avoir pour effet de réparer les préjudices causés par les dirigeants poursuivis.
Cass. crim. 28-1-2004 n° 779 FS-PF, Géniteau : RJDA 6/04 n° 764.

17120 – Réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime
Cass. crim. 19 mai 2016 n° 14-88.387 (n° 2043 F-D) RJDA 12/16 n° 916

17120 – Abus de biens sociaux – Action civile – Réparation intégrale du préjudice
Cass. crim. 5-1-2017 n° 15-82.435 F-D ; Cass crim. 7-12-2016 n° 15-86.731 F-PB BRDA 5/17 Inf. 2

17121 – L’auteur d’un délit est tenu de réparer intégralement le préjudice en résultant (C. civ. art. 1382). Par suite doit être cassé l’arrêt ayant réduit le montant de la réparation due à une société anonyme victime d’un abus de ses biens commis par son directeur général au seul motif qu’un défaut de surveillance ayant concouru à la réalisation du dommage pouvait être reproché au conseil d’administration de la société alors qu’aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison de la négligence qu’elle aurait commise, le montant des réparations civiles dues à la victime par l’auteur d’une infraction intentionnelle contre les biens.
Cass. crim. 14-6-2006 n° 05-82.900 (n° 3599 F-PF) : RJDA 1/07 n° 110.

17122 – En cas de préjudice causé à un tiers par le dirigeant, ce dernier est tenu à réparation même si le délit à l’origine du préjudice a été commis dans le cadre de ses fonctions (Cass. crim. 20-5-2003 n° 2669 : DIRIG-VI-17123 ; Cass. crim. 7-9-2004 n° 4902 : DIRIG-VI-17124). Le dirigeant ne peut donc pas invoquer l’absence de faute détachable de ses fonctions pour refuser d’indemniser le tiers victime, comme il peut le faire devant le juge de droit commun (DIRIG-VI-14070 s.).

17123 – Le dirigeant d’une personne morale, qui a intentionnellement commis une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité à l’égard de celui-ci. C’est donc vainement que ce dirigeant, condamné par une cour d’appel à indemniser un comité d’entreprise en réparation du préjudice causé par un délit d’entrave, fait valoir que cette faute n’est pas séparable de ses fonctions de gestion.
Cass. crim. 20-5-2003 n° 2669 F-PF, Messier : RJDA 12/03 n° 1181.

17124 – L’auteur d’un délit devant répondre des conséquences dommageables de celui-ci dont il s’est personnellement rendu coupable, ce délit eût-il été commis dans le cadre de ses fonctions de dirigeant social, engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers auxquels cette infraction a porté préjudice. Par suite, a justifié sa décision la cour d’appel qui, pour condamner le dirigeant d’une société à indemniser les parties civiles du préjudice qu’il leur a causé en faisant réaliser des travaux par cette société sans avoir souscrit une assurance garantissant la responsabilité décennale des constructeurs, a retenu qu’en acceptant sciemment de réaliser dans ces conditions des travaux qui n’entraient pas dans l’objet social, a commis une faute grave de gestion.
Cass. crim. 7-9-2004 n° 4902 F-D, Kinast : RJDA 2/05 n° 141.

(c) 2018 Editions Francis Lefebvre

 

 

D’après le livre Dirigeants, EFL, le délit d’abus de biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé

Constitution de partie civile
17620
La personne qui s’estime lésée par un abus de biens sociaux peut tenter d’obtenir devant les juridictions répressives la réparation du dommage qu’elle a subi en exerçant l’action civile.
1. Conditions de recevabilité
17621
Toute personne ayant personnellement souffert d’un préjudice directement causé par une infraction peut se constituer partie civile, conformément au droit commun ( DIRIG-VI-17072 s.), pour obtenir la réparation de ce dommage devant le juge pénal (CPP art. 2, al. 1).
Le délit d’abus de biens ou de pouvoirs entraîne une dépréciation des titres de la société qui en est victime. En application de l’article 2 du Code de procédure pénale, seule cette dernière peut demander réparation d’un tel dommage devant le juge pénal, à l’exclusion de toute autre personne.
17622
A notre avis, les solutions données dans les décisions ci-dessous ( DIRIG-VI-17625 s.) sont également applicables en cas de constitution de partie civile devant les juridictions d’instruction. En effet, même si les critères de recevabilité de constitution de partie civile sont moins stricts devant ces juridictions ( DIRIG-VI-17085), les principes énoncés dans ces arrêts ne semblent pas permettre au juge d’instruction d’admettre que les abus de biens ou de pouvoirs puissent entraîner un préjudice propre pour une autre personne que pour la société victime de ces délits.
17625
Dans un cas où le dirigeant d’une société A avait vendu les actions qu’il détenait dans cette dernière à une société B et où la société A, représentée par son nouveau dirigeant, avait porté plainte avec constitution de partie civile pour abus de biens sociaux contre l’ancien dirigeant cédant, doit être censuré l’arrêt qui, pour déclarer irrecevable cette constitution de partie civile, retient que l’acte de cession des actions a été rétroactivement annulé pour dol et en déduit que le nouveau dirigeant, n’ayant pu être valablement désigné par la société B qui était censée n’avoir jamais eu la qualité d’associé, n’avait pas la capacité à agir au nom de la personne morale ; en se déterminant ainsi, sur le seul fondement de cette décision d’annulation, alors que la société A, dotée de la personnalité morale lui permettant d’ester en justice, avait intérêt et qualité à agir, et sans rechercher, d’une part, si les parties avaient été remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant l’annulation de la cession, et, d’autre part, si des délibérations publiées au registre du commerce et des sociétés avaient mis fin aux fonctions du nouveau dirigeant, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
Cass. crim. 6-2-2008 n° 07-83.223 (n° 850 FS-D) : RJDA 8-9/08 n° 923.
17627
Le délit d’abus de biens sociaux cause à la société un préjudice direct dont celle-ci, mise par la suite en liquidation judiciaire, peut demander réparation devant le juge pénal, que ce délit soit ou non à l’origine de la cessation des paiements de la société.
Cass. crim. 8-3-2006 n° 05-82.865 (n° 1526 F-D) : RJDA 6/06 n° 655, 2e espèce.
ACTION DES ASSOCIÉS
17630
Le délit d’abus de biens sociaux ou de pouvoirs n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé. Un associé ne peut donc pas demander devant le juge pénal l’octroi d’une indemnité destinée à réparer la perte de valeur de ses droits sociaux, l’atteinte au capital ou aux intérêts de la société ou le préjudice moral subi du fait de ce délit.
17631
Pour qu’une constitution de partie civile devant les juridictions répressives soit recevable, il ne suffit pas que celui qui l’exerce ait un intérêt quelconque, matériel ou moral, à la répression de l’infraction poursuivie. Il faut en outre qu’il ait subi un dommage certain résultant directement de cette infraction.
Par suite, la constitution de partie civile d’un syndicat de défense d’anciens associés d’une société dont le dirigeant est poursuivi pour abus de biens sociaux, présentation de faux bilans et majoration frauduleuse d’apport ne peut pas être déclarée recevable au seul motif que ce groupement, constitué sous la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901, était « parfaitement habilité à défendre les intérêts individuels de chacun de ses membres qui se sont précisément groupés à cet effet et qui s’estiment victimes d’infractions ».
Cass. crim. 4-11-1969 n° 93-57.368, Levivier : Bull. crim. n° 281.
17632
La dépréciation des titres d’une société résultant des agissements délictueux de ses dirigeants constitue un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à l’associé.
Par suite, celui-ci ne peut pas se constituer partie civile afin d’obtenir une indemnité destinée à réparer cette perte de valeur.
Cass. crim. 13-12-2000 n° 7552 FS-PF, Leonarduzzi : RJDA 5/01 n° 593, 1e espèce.Cass. crim. 13-12-2000 n° 7554 FS-PF, Bourgeois : RJDA 5/01 n° 593, 2e espèce.Cass. crim. 18-9-2002 n° 5072 F-D, Rigaud : RJDA 2/03 n° 146.
NdlrLes arrêts n° 7552 du 13 décembre 2000 et 5072 du 18 septembre 2002 ont été rendus en matière d’abus de biens sociaux ; l’arrêt n° 7554 l’a été en matière d’abus de pouvoirs.
17633
Les associés d’une société victime d’un abus de biens sociaux sont irrecevables à se constituer parties civiles sauf s’ils démontrent l’existence d’un préjudice propre, distinct du préjudice subi par la société et résultant directement de l’infraction.
Par suite, le dirigeant d’une société ne peut pas être condamné à verser aux associés une somme correspondant au montant de loyers abusivement réglés par la société dès lors que le versement de cette somme répare le préjudice directement subi par cette dernière et non celui des associés.
Cass. crim. 12-9-2001 n° 5578 F-D, Benasich : RJDA 1/02 n° 55.
NdlrEn pratique, la reconnaissance par le juge pénal d’un préjudice propre à l’associé, distinct de celui résultant de la dépréciation des titres de la société, devrait concerner des hypothèses exceptionnelles (par exemple, détournement d’un apport en nature que l’associé apporteur est autorisé à reprendre en vertu d’une clause statutaire en cas de dissolution).
17634
La dépréciation des titres d’une société et la disparition de certains éléments d’actif de celle-ci susceptibles de résulter des délits d’abus de biens sociaux et de banqueroute constituent un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à l’un des associés, fût-il majoritaire, de sorte que la constitution de partie civile d’un associé détenant 99,98 % du capital social est irrecevable.
Cass. crim. 9-3-2005 n° 04-81.575 (n° 1575 F-D), Sté Balspeed France : RJDA 7/05 n° 825, 2e espèce .
17635
L’atteinte au capital ou aux intérêts d’une société susceptible de résulter d’un abus de biens ou de pouvoirs sociaux constitue un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à chaque associé, dont l’action civile engagée devant le juge pénal est en conséquence irrecevable.
Cass. crim. 9-3-2005 n° 1590 F-D, Procureur général près la cour d’appel de Paris : RJDA 7/05 n° 825, 3e espèce.
17636
Le délit d’abus de biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé. Par suite, des associés d’une société victime d’abus de biens ne peuvent pas invoquer devant le juge pénal un préjudice moral qu’ils auraient subi en leur qualité d’associés du fait de ce délit.
Cass. crim. 14-6-2006 n° 05-86.306 (n° 3555 F-D) : RJDA 1/07 n° 61, 2e espèce.
17637
L’atteinte au capital ou aux intérêts d’une société susceptible de résulter d’un abus de biens sociaux constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même. Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui, pour condamner un dirigeant déclaré coupable de ce délit à verser un euro de dommages-intérêts à un associé en réparation de son préjudice personnel, énonce que celui-ci « a vu ses intérêts mis en jeu par le comportement fautif » du dirigeant.
Cass. crim. 13-9-2006 n° 4962 F-D : RJDA 1/07 n° 61, 3e espèce.
17638
Justifie sa décision la cour d’appel qui déclare irrecevable la constitution de partie civile d’un associé du chef d’abus de biens sociaux au motif que les préjudices économique et moral invoqués ne résultent que de l’atteinte portée au patrimoine de la société et sont sans lien de causalité direct avec les faits poursuivis.
Cass. crim. 16-4-2008 n° 07-86.581 (n° 2364 F-D).
17639
Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, après avoir condamné pour abus de biens sociaux le gérant majoritaire d’une société dissoute, dont la liquidation a été clôturée, déclare irrecevable la plainte avec constitution de partie civile dirigée par un associé contre le gérant au motif que cette infraction n’a causé un dommage direct qu’à la société et que la partie civile n’établit pas l’existence d’un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale.
Cass. crim. 20-2-2008 n° 07-84.728 (n° 1178 FS-D) : RJDA 1/09 n° 38.
NdlrLa particularité de l’arrêt résidait dans le fait que la constitution de partie civile avait été engagée par un associé après la clôture des opérations de liquidation de la société et donc après la disparition de la personnalité morale (cf. C. com. art. L 237-2, al. 2). L’associé avait tenté de faire valoir que du fait de cette disparition, il ne pouvait plus exercer l’action sociale ut singuli et était recevable à se constituer partie civile à titre personnel contre l’ancien gérant déclaré coupable de détournements de fonds opérés au cours de la vie de la société, l’atteinte portée au patrimoine de la société ayant entraîné une dévalorisation des parts sociales qui s’était répercutée sur le montant du solde qui lui avait été attribué au moment de la clôture de la liquidation de sorte qu’il avait subi un préjudice personnel.
17640
Il résulte de l’article 2 du Code de procédure pénale que l’action civile en réparation du préjudice causé par un délit n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui déclare recevable un actionnaire en sa constitution de partie civile du chef d’abus de biens sociaux et lui alloue des dommages-intérêts alors que le délit d’abus de biens sociaux ne cause un préjudice personnel et direct qu’à la société elle-même, ses actionnaires ne pouvant souffrir que d’un préjudice qui, à le supposer établi, est indirect.
Cass. crim. 25-2-2009 n° 08-80.314 (n° 734 FS-D) : RJDA 7/09 n° 656.
17641
Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile d’associés à l’encontre des dirigeants reconnus coupables d’abus de biens sociaux, recel et présentation de comptes inexacts, énonce que le préjudice subi par les associés, du fait de l’abus des biens de la société, n’est qu’indirect et que leur participation active au système familial de détournement des richesses de la société leur interdit d’invoquer un quelconque préjudice qu’ils ont contribué à produire par leurs agissements illicites.

L’action de l’associé est irrecevable d’après le Memento Dirigeants des Editions Francis LEFEBVRE

 

ACTION DES ASSOCIÉS
17630
Le délit d’abus de biens sociaux ou de pouvoirs n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé. Un associé ne peut donc pas demander devant le juge pénal l’octroi d’une indemnité destinée à réparer la perte de valeur de ses droits sociaux, l’atteinte au capital ou aux intérêts de la société ou le préjudice moral subi du fait de ce délit.
17631
Pour qu’une constitution de partie civile devant les juridictions répressives soit recevable, il ne suffit pas que celui qui l’exerce ait un intérêt quelconque, matériel ou moral, à la répression de l’infraction poursuivie. Il faut en outre qu’il ait subi un dommage certain résultant directement de cette infraction.
Par suite, la constitution de partie civile d’un syndicat de défense d’anciens associés d’une société dont le dirigeant est poursuivi pour abus de biens sociaux, présentation de faux bilans et majoration frauduleuse d’apport ne peut pas être déclarée recevable au seul motif que ce groupement, constitué sous la forme d’une association régie par la loi du 1er juillet 1901, était « parfaitement habilité à défendre les intérêts individuels de chacun de ses membres qui se sont précisément groupés à cet effet et qui s’estiment victimes d’infractions ».
Cass. crim. 4-11-1969 n° 93-57.368, Levivier : Bull. crim. n° 281.
17632
La dépréciation des titres d’une société résultant des agissements délictueux de ses dirigeants constitue un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à l’associé.
Par suite, celui-ci ne peut pas se constituer partie civile afin d’obtenir une indemnité destinée à réparer cette perte de valeur.
Cass. crim. 13-12-2000 n° 7552 FS-PF, Leonarduzzi : RJDA 5/01 n° 593, 1e espèce.Cass. crim. 13-12-2000 n° 7554 FS-PF, Bourgeois : RJDA 5/01 n° 593, 2e espèce.Cass. crim. 18-9-2002 n° 5072 F-D, Rigaud : RJDA 2/03 n° 146.
NdlrLes arrêts n° 7552 du 13 décembre 2000 et 5072 du 18 septembre 2002 ont été rendus en matière d’abus de biens sociaux ; l’arrêt n° 7554 l’a été en matière d’abus de pouvoirs.
17633
Les associés d’une société victime d’un abus de biens sociaux sont irrecevables à se constituer parties civiles sauf s’ils démontrent l’existence d’un préjudice propre, distinct du préjudice subi par la société et résultant directement de l’infraction.
Par suite, le dirigeant d’une société ne peut pas être condamné à verser aux associés une somme correspondant au montant de loyers abusivement réglés par la société dès lors que le versement de cette somme répare le préjudice directement subi par cette dernière et non celui des associés.
Cass. crim. 12-9-2001 n° 5578 F-D, Benasich : RJDA 1/02 n° 55.
NdlrEn pratique, la reconnaissance par le juge pénal d’un préjudice propre à l’associé, distinct de celui résultant de la dépréciation des titres de la société, devrait concerner des hypothèses exceptionnelles (par exemple, détournement d’un apport en nature que l’associé apporteur est autorisé à reprendre en vertu d’une clause statutaire en cas de dissolution).
17634
La dépréciation des titres d’une société et la disparition de certains éléments d’actif de celle-ci susceptibles de résulter des délits d’abus de biens sociaux et de banqueroute constituent un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à l’un des associés, fût-il majoritaire, de sorte que la constitution de partie civile d’un associé détenant 99,98 % du capital social est irrecevable.
Cass. crim. 9-3-2005 n° 04-81.575 (n° 1575 F-D), Sté Balspeed France : RJDA 7/05 n° 825, 2e espèce .
17635
L’atteinte au capital ou aux intérêts d’une société susceptible de résulter d’un abus de biens ou de pouvoirs sociaux constitue un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à chaque associé, dont l’action civile engagée devant le juge pénal est en conséquence irrecevable.
Cass. crim. 9-3-2005 n° 1590 F-D, Procureur général près la cour d’appel de Paris : RJDA 7/05 n° 825, 3e espèce.
17636
Le délit d’abus de biens sociaux n’occasionne un dommage personnel et direct qu’à la société elle-même et non à chaque associé. Par suite, des associés d’une société victime d’abus de biens ne peuvent pas invoquer devant le juge pénal un préjudice moral qu’ils auraient subi en leur qualité d’associés du fait de ce délit.
Cass. crim. 14-6-2006 n° 05-86.306 (n° 3555 F-D) : RJDA 1/07 n° 61, 2e espèce.
17637
L’atteinte au capital ou aux intérêts d’une société susceptible de résulter d’un abus de biens sociaux constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même. Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui, pour condamner un dirigeant déclaré coupable de ce délit à verser un euro de dommages-intérêts à un associé en réparation de son préjudice personnel, énonce que celui-ci « a vu ses intérêts mis en jeu par le comportement fautif » du dirigeant.
Cass. crim. 13-9-2006 n° 4962 F-D : RJDA 1/07 n° 61, 3e espèce.
17638
Justifie sa décision la cour d’appel qui déclare irrecevable la constitution de partie civile d’un associé du chef d’abus de biens sociaux au motif que les préjudices économique et moral invoqués ne résultent que de l’atteinte portée au patrimoine de la société et sont sans lien de causalité direct avec les faits poursuivis.
Cass. crim. 16-4-2008 n° 07-86.581 (n° 2364 F-D).
17639
Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, après avoir condamné pour abus de biens sociaux le gérant majoritaire d’une société dissoute, dont la liquidation a été clôturée, déclare irrecevable la plainte avec constitution de partie civile dirigée par un associé contre le gérant au motif que cette infraction n’a causé un dommage direct qu’à la société et que la partie civile n’établit pas l’existence d’un préjudice personnel, distinct de celui subi par la personne morale.
Cass. crim. 20-2-2008 n° 07-84.728 (n° 1178 FS-D) : RJDA 1/09 n° 38.
NdlrLa particularité de l’arrêt résidait dans le fait que la constitution de partie civile avait été engagée par un associé après la clôture des opérations de liquidation de la société et donc après la disparition de la personnalité morale (cf. C. com. art. L 237-2, al. 2). L’associé avait tenté de faire valoir que du fait de cette disparition, il ne pouvait plus exercer l’action sociale ut singuli et était recevable à se constituer partie civile à titre personnel contre l’ancien gérant déclaré coupable de détournements de fonds opérés au cours de la vie de la société, l’atteinte portée au patrimoine de la société ayant entraîné une dévalorisation des parts sociales qui s’était répercutée sur le montant du solde qui lui avait été attribué au moment de la clôture de la liquidation de sorte qu’il avait subi un préjudice personnel.
17640
Il résulte de l’article 2 du Code de procédure pénale que l’action civile en réparation du préjudice causé par un délit n’appartient qu’à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction. Par suite, encourt la cassation l’arrêt qui déclare recevable un actionnaire en sa constitution de partie civile du chef d’abus de biens sociaux et lui alloue des dommages-intérêts alors que le délit d’abus de biens sociaux ne cause un préjudice personnel et direct qu’à la société elle-même, ses actionnaires ne pouvant souffrir que d’un préjudice qui, à le supposer établi, est indirect.
Cass. crim. 25-2-2009 n° 08-80.314 (n° 734 FS-D) : RJDA 7/09 n° 656.
17641
Justifie légalement sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer irrecevable la constitution de partie civile d’associés à l’encontre des dirigeants reconnus coupables d’abus de biens sociaux, recel et présentation de comptes inexacts, énonce que le préjudice subi par les associés, du fait de l’abus des biens de la société, n’est qu’indirect et que leur participation active au système familial de détournement des richesses de la société leur interdit d’invoquer un quelconque préjudice qu’ils ont contribué à produire par leurs agissements illicites.
Cass. crim. 9-9-2009 n° 08-86.677 (n° 4716 F-D) : RJDA 3/10 n° 258.
17641
Préjudice moral
Cass. crim. 5 juin 2013 n° 12-80.387 (n° 3084 F-D) RJDA 12/13 n° 1023

La dépréciation des titres d’une société résultant d’un abus de biens sociaux commis par les dirigeants sociaux constitue un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à l’associé.

(c) 2018 Editions Francis Lefebvre – Revue de jurisprudence de droit des affaires 2001

Toute personne ayant personnellement souffert d’un dommage directement causé par une infraction peut se constituer partie civile pour obtenir la réparation de ce dommage devant le juge pénal (CPP art. 2, al. 1).

En décidant qu’un associé ne peut pas demander devant le juge pénal l’octroi d’une indemnité destinée à réparer la perte de valeur de ses titres résultant d’un abus de biens sociaux, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence.

Jusqu’à présent, en effet, la Cour jugeait que ce délit portait non seulement atteinte au patrimoine social, mais aussi au patrimoine propre de l’associé (Cass. crim. 25 novembre 1975 : Bull. crim. n° 257), privé d’une partie des bénéfices sociaux et victime d’une minoration de la valeur de ses titres résultant des abus commis (Cass. crim. 23 avril 1964 : Bull. crim. n° 127).
En matière d’abus de pouvoirs, la Cour de cassation n’a, semble-t-il, jamais admis la constitution de partie civile des associés. Ainsi, dans un arrêt censurant la décision d’une cour d’appel qui avait déclaré recevable la constitution de partie civile du comité d’entreprise d’une société victime d’un abus de pouvoirs, elle a précisé que les faits reprochés aux dirigeants n’étaient susceptibles de causer un préjudice direct qu’à la société elle-même (Cass. crim. 4 novembre 1988 : Bull. crim. n° 373).
Par les arrêts rapportés, la Cour de cassation aligne la situation des associés sur celle des créanciers, dont elle a toujours refusé la constitution de partie civile au motif que le préjudice subi par ceux-ci, à le supposer établi, est seulement indirect (notamment Cass. crim. 24 avril 1971 : Bull. crim. n° 117 ; Cass. crim. 27 juin 1995, n° 3064 : RJDA 11/95 n° 1244 ; Cass. crim. 11 mai 2000, n° 3080 : RJDA 9-10/00 n° 875, 2e espèce).
Pour admettre la constitution de partie civile des associés, il faudrait que ces derniers établissent l’existence d’un préjudice personnel, distinct de celui résultant de la dépréciation des titres de la société, dont seule cette dernière peut demander réparation. En pratique, la reconnaissance par le juge pénal d’un préjudice propre à l’associé devrait concerner des hypothèses exceptionnelles.

A notre avis, la solution donnée dans les décisions ci-dessus est également applicable en cas de constitution de partie civile des associés devant les juridictions d’instruction.

En effet, même si les critères de recevabilité de constitution de partie civile sont moins stricts devant ces juridictions – puisqu’il suffit alors que les circonstances sur lesquelles s’appuie le demandeur permettent au juge d’admettre comme possibles, d’une part, l’existence du préjudice allégué et, d’autre part, la relation directe de celui-ci avec l’infraction (Cass. crim. 4 novembre 1969 : Bull. crim. n° 281) -, le principe énoncé dans les arrêts ci-dessus ne semble pas permettre au juge d’instruction d’admettre que la dépréciation des titres puisse constituer un préjudice propre aux associés.

Privés de la possibilité d’obtenir réparation de leur préjudice devant le juge pénal, les associés ne peuvent pas non plus en obtenir réparation devant les juridictions civiles en exerçant une action en responsabilité contre les dirigeants fautifs sur le fondement de l’article 52, al. 1 (pour les SARL) ou 244, al. 1 (pour les SA) de la loi du 24 juillet 1966 (devenus les articles L 223-22, al. 1 et L 225-251, al. 1 du Code de commerce).

En effet, la Cour de cassation a jugé que les associés ne peuvent pas demander réparation des fautes de gestion des dirigeants ayant contribué à déprécier la société dès lors que le préjudice qu’ils subissent n’est que le corollaire du dommage causé à celle-ci et n’a aucun caractère personnel (Cass. com. 1er avril 1997, n° 879 : RJDA 5/97 n° 659, 2e espèce).

Ainsi, que l’action en responsabilité soit exercée par l’associé devant les juridictions civiles ou pénales, celui-ci ne peut plus désormais demander que la réparation d’un préjudice personnel résultant de la faute commise.

La dépréciation des titres d’une société résultant d’un abus de biens sociaux (1e espèce) ou d’un abus de pouvoirs (2e espèce) commis par les dirigeants sociaux constitue un préjudice subi par la société elle-même et non un dommage propre à l’associé.
Par suite, celui-ci ne peut pas se constituer partie civile afin d’obtenir une indemnité destinée à réparer la perte de valeur de ses titres causée par ces infractions (1e et 2e espèces).
1e espèce :
Cass. crim. 13 décembre 2000, n° 7552 FS-PF, Leonarduzzi.
MM. Cotte, Prés. – Martin, Rapp. – Lucas, Av. gén. – Me Blondel et SCP Ancel et Couturier-Heller, Av.
(Extraits)
(…) Sur le moyen unique de cassation proposé pour Félice Dal Dan, pris de la violation des articles 437, 437-3, 460, 463 et 464 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, violation de l’article 2 du Code de procédure pénale, violation de l’article 1382 du Code civil, du principe de la réparation intégrale, et méconnaissance des exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;
« en ce que l’arrêt attaqué, après avoir reçu la constitution de partie civile de Félice Dal Dan, débouta ce dernier au fond ;
« aux motifs que Félice Dal Dan, partie civile appelante, sollicite la condamnation de Raynald Léonarduzzi à lui payer les sommes suivantes :
– 1 500 000 F à titre de dommages et intérêts,
– 15 000 F sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale ; que Félice Dal Dan, en sa qualité d’associé de la société SDL, invoque un préjudice matériel résultant, selon ses écritures, du non-remboursement de son compte courant créditeur d’un montant de 1 030 598,47 F, intérêts compris, et de la perte de valeur de son invention dans la société ; que la créance alléguée par la partie civile au titre de son compte courant est sans lien de causalité directe avec l’abus de bien social commis par Raynald Léonarduzzi ; qu’en outre, la société SDL a été condamnée, par un arrêt en date du 21 juin 1995 de la cour d’appel de Paris, à rembourser à Félice Dal Dan le montant de son compte courant, étant de plus observé qu’il n’est pas démontré que la perte de valeur d’un investissement de la partie civile dans la société SDL découle directement des agissements délictueux du prévenu ;
« alors que, d’une part, dans ses écritures très circonstanciées, la partie civile insistait sur le fait que la dilapidation des actifs de la société SDL en l’état des abus de biens sociaux imputables à son dirigeant, Raynald Léonarduzzi, avait été à l’origine de la liquidation judiciaire de ladite société laquelle, si elle avait remboursé tous ses autres créanciers, n’en fit pas de même à l’endroit de la partie civile qui, en l’état de la liquidation et de l’absence d’actif, n’a pu obtenir le montant de sommes importantes en sorte que c’était bien le comportement délictueux de Raynald Léonarduzzi constaté par la cour d’appel qui avait été à l’origine d’un préjudice spécifique tiré de l’impossibilité pour un créancier de recouvrer une créance – fût-ce pour partie – ; que ce préjudice spécifique était directement lié aux abus de biens sociaux déplorés et reconnus par les juges du fond ; qu’en déboutant cependant la partie civile à partir d’une simple affirmation, à savoir que la créance alléguée au titre du compte courant est sans lien de causalité directe avec l’abus de bien social déploré, la Cour méconnaît les exigences de l’article 593 du Code de procédure pénale ;
« alors que, d’autre part, le fait que la société SDL ultérieurement mise en liquidation judiciaire ait été condamnée par un arrêt de la cour d’appel de Paris à rembourser Félice Dal Dan du montant de son compte courant, soit une somme de 864 906,455 F est sans emport par rapport à la question posée au juge pénal : l’abus de bien social ayant conduit au dépôt de bilan de la société fit que celle-ci n’ayant plus aucun actif, la créance ressortant de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 juin 1995 est restée irrecouvrable, d’où le préjudice direct souffert par la partie civile en l’état du comportement délictueux de Raynald Léonarduzzi ; qu’en statuant comme elle l’a fait sur le fondement de motifs inopérants, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités aux moyens ;
« et alors, enfin, qu’en sa qualité d’associé de la société SDL, Félice Dal Dan subissait nécessairement un préjudice lié à la dilapidation de l’outillage destiné à la fabrication de balances en sorte que l’abus de bien social avait directement conduit à l’appauvrissement de la société SDL et donc aux dommages soufferts par son associé, Félice Dal Dan, à hauteur de 30 %, lequel a perdu tous les investissements faits (cf. 18 et 19 des conclusions d’appel) ; qu’en affirmant qu’il n’était pas démontré que la perte de valeur de l’investissement de la partie civile découle directement des agissements délictueux du prévenu cependant qu’il ressortait de l’arrêt lui-même que le prévenu avait dilapidé l’actif de la société SDL, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt au regard des textes cités au moyen » ;
Attendu que, pour débouter Félice Dal Dan, actionnaire de la société SDL, de sa demande en dommages-intérêts fondée, d’une part, sur le non-remboursement de sa créance en compte courant et, d’autre part, sur la perte de son investissement dans le capital de la société, l’arrêt (CA Paris 3 décembre 1998, 9e ch.) énonce que la créance alléguée par la partie civile au titre de son compte courant est sans lien de causalité directe avec l’abus de bien social commis par Raynald Léonarduzzi et qu’il n’est pas démontré que la perte de valeur d’un investissement de la partie civile dans la société SDL découle directement des agissements délictueux du prévenu ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;
Qu’en effet, la dépréciation des titres d’une société découlant des agissements délictueux de ses dirigeants constitue, non pas un dommage propre à chaque associé, mais un préjudice subi par la société elle-même ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme, Rejette les pourvois.

 

(c) 2018 Editions Francis Lefebvre – Revue de jurisprudence de droit des affaires 2001

les associés ne peuvent pas demander devant le juge pénal l’octroi d’une indemnité destinée à réparer la perte de valeur de leurs droits sociaux résultant d’un abus de biens sociaux

Lorsque le délit d’abus des biens est caractérisé, les associés ne peuvent pas demander devant le juge pénal l’octroi d’une indemnité destinée à réparer la perte de valeur de leurs droits sociaux résultant d’un abus de biens sociaux, leur préjudice n’étant pas distinct de celui de la société (Cass. crim. 13-12-2000 n° 7552 et 7554 : RJDA 5/01 n° 593, 1e et 2e esp. ; Cass. crim. 18-9-2002 n° 5072 : RJDA 2/03 n° 146 ; Cass. crim. 9-3-2005 n° 1575 et 1590 : RJDA 7/05 n° 825, 2e et 3e esp.).
La constitution de partie civile a été en outre refusée, pour cause de préjudice indirect, aux créanciers sociaux (Cass. crim. 27-6-1995 : RJDA 11/95 n° 1244 ; Cass. crim. 11-5-2000 : RJDA 9-10/00 n° 875 ; Cass. crim. 3-12-2014 n° 13-87.224 FS-PB : RJDA 5/15 n° 359) et à l’Etat, en cas de détournement d’aides publiques (Cass. crim. 28-2-2006 n° 05-83.461 : RJDA 6/06 n° 655, 3e esp.).
Il en résulte en pratique que, sauf cas exceptionnels, seule la société peut demander la réparation du préjudice qu’elle subit lorsque l’un de ses dirigeants est convaincu d’abus de biens sociaux. Peuvent exercer une telle action non seulement les représentants de la société, mais également les associés (n° 2328). Lorsqu’une procédure collective est ouverte par la suite à son encontre, cette demande en réparation est recevable, que l’abus ait été ou non à l’origine de la cessation des paiements de la société (Cass. crim. 8-3-2006 n° 05-82.865 : RJDA 6/06 n° 655, 2e esp.). L’action civile est aussi ouverte à la société mère, pour des abus commis au sein de l’une de ses filiales (Cass. crim. 13-12-2000 n° 99-82.875 : Bull. Joly 2001 p. 380 note J.-F. Barbiéri).